Ils sont jeunes, riches, beaux et champions d'Europe en titre. Pourtant, ce soir, les joueurs du Real n'ont pas su se sortir du piège que leur avait tendu la Vieille Dame de la Juventus Turin, dans cette demi-finale retour de Ligue des Champions. Vainqueurs à l'aller (2-1), les Transalpins ont su faire le dos rond pour arracher un match nul salvateur (1-1) au Santiago Bernabeu face à l'armada offensive merengue. "A l'italienne", diront certains, la Juve se qualifie ainsi pour la finale de la Ligue des Champions, où elle affrontera le grand favori de l'épreuve, Barcelone, le 6 juin prochain à Berlin.
La Vieille Dame sur son 31. Dans ce duel entre une Juve, maîtresse incontestée d'une Série A en pleine décadence européenne, et un Real, vitrine attrayante d'une Liga brillante en Ligue des Champions, les Galactiques partaient favoris. Ils sont pourtant tombés face à cette équipe qu'on disait vieillissante et dépassée, à l'image de son championnat. Mais la Vieille Dame s'était apprêtée ce soir, ressortant ses plus beaux atours qu'elle conserve pour les soirées européennes du mois de mai, des matches qu'elle avait perdu l'habitude de jouer. Ainsi équipée, elle s'est montrée aussi chanceuse qu'expérimentée. Chanceuse de voir les attaquants madrilènes, à l'exception de Benzema, se montrer aussi maladroits. Expérimentée dans son approche mentale de la rencontre : bien que largement dominée, la Juve n'a jamais paniqué. Même menée, elle ne s'est pas désunie et, au métier, a égalisé.
Gareth Bale trop tête en l'air. La fougue et le talent des play-boys madrilènes n'auront donc pas suffi à envoyer la Vieille Dame à la retraite. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé, mais les habituels artificiers n'ont allumé que des pétards mouillés, Gareth Bale le premier. Le Gallois se montré beaucoup trop tête en l'air, manquant plusieurs reprises du crâne pourtant évidentes (1e, 63e, 72e). S'il marque sur un penalty discutable (22e), Ronaldo ne pèse pas vraiment dans le jeu. Tout juste s'il parvient à arracher un frisson à l'impérial Gigi Buffon sur un coup franc venu lécher la transversale (10e). Benzema, lui, se montre juste et altruiste dans ses choix, mais se heurte au gardien italien sur une frappe en angle fermé (42e). Les occasions pleuvent mais les filets de la Juve ne trembleront plus d'ici la mi-temps. Qu'importe, à ce moment, le Bernabeu est tout à sa joie, son Real est qualifié.
Morata, le coup de poignard. La BBC muselée, la Vieille Dame se met à rêver, à faire les yeux doux à cette finale de Ligue des Champions qu'elle n'a plus connu depuis douze ans maintenant. Lentement, sans se presser, les Turinois profitent de la baisse de régime des Madrilènes au retour des vestiaires. Sur une incursion dans la surface adverse, Paul Pogba (22 ans), décevant jusque-là, prend un ballon de la tête et le dévie sur la poitrine de Morata (23 ans), l'ancien Madrilène déjà buteur à l'aller. Contrôle de la poitrine, frappe savamment écrasée, la main trop molle d'Iker Casillas laisse le ballon rentrer (57e). La jeune garde turinoise vient d'offrir une belle cure de jouvence à la Vieille Dame, replongée dans ses souvenirs de finale européenne, il y a douze ans déjà. Mais pas le temps de s'abandonner à la nostalgie du passé.
Pirlo et Buffon, amants fidèles de la Vieille Dame. Dans la dernière demi-heure, la Juve renoue avec le catenaccio qui lui avait permis de sortir Monaco en quart de finale. La hargne de la défense Chiellini-Bonucci combinée à la maladresse (et la malchance) des étoiles madrilènes faisant, Turin, "petit poucet" de ce dernier carré, rejoint donc Barcelone en finale à Berlin. L'occasion pour Pirlo et Buffon, les amants les plus fidèles de cette Vieille Dame comblée, de renouer avec un stade qui leur a plutôt réussi par le passé : c'est là qu'ils avaient remporté la Coupe du monde avec l'Italie, un certain 9 juillet 2006.