Lorsque les Verts disputèrent (et perdirent, mais faut-il encore le rappeler ?) la finale de la Coupe d'Europe des clubs champions face au Bayern Munich, le 12 mai 1976, l'équipe entraînée par Robert Herbin n'était pas seulement soutenue par les Stéphanois mais par la France tout entière (on me dit Lyon mise à part), comme le symbolisa (peut-être un peu à l'excès) sa descente des Champs-Élysées au lendemain de la finale de Glasgow. À l'occasion du 40ème anniversaire de ce match maudit (vraiment ?), nous avons soumis les anciens Verts à la question : un tel élan d'amour entre un peuple et son équipe est-il encore possible aujourd'hui ?
"Ça a été possible en 1998, il y a eu un élan en 1998, avec la victoire en Coupe du monde, donc il n'y a pas de raison", estime Dominique Rocheteau, qui s'y connaît un petit peu en matière d'épopées : il a connu les Verts de 76 mais également les Bleus de 82, 84 et 86 (Ouf !) "Le fait de jouer l'Euro à domicile, si l'équipe de France tourne bien, a de bons résultats, il peut y avoir une grande ferveur, je n'en doute pas et je le souhaite", conclut l'ancien "Ange vert".
La descente massive des Champs-Élysées (ici en 1998), signe que la France vibre :
De bons résultats, voilà l'ingrédient de base pour susciter l'engouement. Mais ce n'est pas toujours suffisant. "Je ne sais pas si on peut comparer un parcours en club et un en sélection. Ça n'a rien à voir", insiste pour sa part l'ancien défenseur tricolore Gérard Janvion. "Les Verts à l'époque ont été soutenus par tout la France. Pour quelle raison ? Parce qu'on a renversé des situations, après un match aller perdu. C'est pour ça que la France entière aimait le football." Lors de sa fameuse saison 1975-76, les Verts avaient en effet battu le Dynamo Kiev 3-0 en quarts de finale retour après s'être inclinés 2-0 à l'aller. Mais sur un match, un renversement de situation reste néanmoins possible. Imaginons que le 10 juin, la Roumanie mène 2-0 au Stade de France, et que les Bleus finissent par l'emporter 3-2. On serait en plein dedans, non ? Et 1, et 2 et 3 à 2 !
Mais le football n'est pas qu'une affaire de points et de scores. C'est aussi une histoire d'hommes. Pourquoi la mayonnaise a-t-elle pris en 1998 ? Parce qu'il y avait une équipe bien définie et qu'elle était riche de personnalités : Zidane, Blanc, Barthez, Desailly, Thuram, on en passe. Pour Christian Sarramagna, qui avait remplacé Rocheteau, de retour de blessure, lors de la finale de Glasgow, "la chance de l'équipe de France, c'est Didier Deschamps", qui était capitaine en 1998.
"Lui insiste sur cette union sacrée que doit représenter une équipe de football. Je pense qu'il y a beaucoup travaillé et je pense que ça va être l'une des forces de l'équipe de France lors du championnat d'Europe. Après, on peut évoquer le jeu, les aspects technico-tactiques, les qualités individuelles de chacun. Mais si on a déjà cette union sacrée au départ…" À la lecture de ces mots, on comprend mieux les choix effectués par "DD" pour sa liste des 23. Des titulaires, des remplaçants, une équipe qui bouge peu et qui facilite en cela l'identification de son public. Tout est en place pour la belle aventure. Sauf, et heureusement, les "poteaux carrés".
NB : Deux acteurs de l'épopée 76 et qui connaissent bien l'équipe de France ont refusé de répondre aux questions d'Europe 1 : Jean-Michel Larqué, sous contrat radiophonique avec RMC, l'a fait avec le sourire. Plus taquin, l'ancien sélectionneur Jacques Santini a lui lancé : "Est-ce qu'Europe 1 m'a proposé de devenir consultant pour l'Euro ?".