A Lille, le dernier jour du mercato d’hiver a été le théâtre d’un drôle de balai. En un peu plus de 24 heures, le Losc version Gérard Lopez a enregistré l’arrivée de sept recrues, toutes âgées de moins de 23 ans et largement inconnues du grand public. Avec ces jeunes joueurs, l’homme d’affaires hispano-luxembourgeois espère remettre les "Dogues", actuels douzièmes de Ligue 1, sur le devant de la scène. Europe 1 fait le tour du (nouveau) propriétaire, alors que le Losc se déplace mardi soir sur la pelouse du PSG pour la 24ème journée de championnat.
- La revente de jeunes joueurs, clé de voûte du "système" Lopez
Face aux interrogations sur son projet, Gérard Lopez a d’emblée voulu rassurer les supporters nordistes. "C’est un projet à long terme, pas sur douze ou vingt-quatre mois", a-t-il déclaré au journal L’Equipe. Il a ainsi clairement affiché son ambition peu avant sa prise de pouvoir : "le Top 5, voire le Top 4 de la Ligue 1" dans les deux ans à venir. Pour permettre au Losc, champion de France en 2011, de tutoyer à nouveau les sommets, pas question cependant de déverser des dizaines de millions d’euros sur le marché des transferts comme le PSG ou même l’OM version McCourt.
L’ancien patron de l’écurie de F1 Lotus veut miser sur des jeunes joueurs à fort potentiel, pour ensuite les revendre plus cher et ainsi en tirer une plus-value. "C’est un projet sportif avec la volonté de remettre le club sur le devant de la scène. Le moyen utilisé est le 'trading' de joueurs, c’est-à-dire revendre très cher des jeunes joueurs qui ont une marge de progression importante", analyse Christophe Lepetit, économiste du sport au Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges, interrogé par Europe 1.
- Monaco, le modèle
Incarnation de ce virage à 180 degrés, le Losc a déboursé cet hiver une vingtaine de millions d’euros sur sept jeunes joueurs : les attaquants néerlandais Anwar El Ghazi (21 ans) et Ricardo Kishna (22 ans), les milieux français Farès Bahlouli (21 ans), portugais Xeka (22 ans) et albanais Agim Zeka (18 ans), ainsi que les défenseurs paraguayen Junior Alonso (23 ans) et brésilien Gabriel (19 ans). Une stratégie presque identique à celle de l’AS Monaco, adepte du recrutement de "diamants" à polir avant de les revendre (très) cher.
Pour mener à bien cette stratégie, le club nordiste a donc logiquement fait appel à l’ancien directeur sportif du club de la Principauté : Luis Campos. Le Portugais, homme de réseaux réputé proche de José Mourinho, est le conseiller sportif de Gérard Lopez et le grand inspirateur du mercato lillois. "Quand j’étais à Monaco, j’ai participé à la création d’un projet moderne et novateur. L’idée est de faire la même chose à Lille avec nos moyens", a déclaré Luis Campos. Le Portugais a également annoncé vouloir miser davantage sur les joueurs du centre de formation, d’où sont notamment issus Eden Hazard, Yohan Cabaye, Lucas Digne ou encore Adil Rami. Charge à Patrick Collot, confirmé au poste d’entraîneur jusqu’à la fin de la saison malgré l’insistante rumeur d’une arrivée de Marcelo Bielsa, de faire progresser ses jeunes troupes.
- Une stratégie risquée
Cette stratégie de "trading" n’est cependant pas synonyme de succès. "C’est un modèle qu’on voit dans de plus en plus de clubs, mais il est très risqué. Il faut que les jeunes joueurs confirment leur potentiel, et cela nécessite de se qualifier en Coupe d’Europe pour "exposer" ses joyaux", juge Christophe Lepetit. Or, avec seulement trois places en Ligue des champions, la concurrence est rude pour décrocher une place sur le podium. En plus du PSG et de Monaco, les deux plus gros budgets de Ligue 1, Lyon et Marseille ambitionnent eux aussi de lutter, à terme, pour les premières places.
"Si Monaco ne jouait pas en Ligue des champions, le club ne pourrait pas vendre aussi cher ses joueurs", poursuit l’économiste du sport. Pour mener à bien son projet, le Losc n’a donc pas le choix : il est condamné à gagner le plus rapidement possible. Peut-être pas dès mardi soir, sur la pelouse du Paris-Saint Germain, mais au moins contre Angers, samedi prochain. Sinon, Gérard Lopez pourrait vite perdre patience.