Depuis des années, Tony Chapron cristallise les tensions. L’arbitre de 45 ans, bien connu des fans du championnat de France, a une nouvelle fois provoqué les réactions outrées du monde du football en taclant puis en expulsant le joueur nantais Diego Carlos, qui l’a involontairement bousculé lors du match contre le PSG, dimanche soir. Mais cette fois-ci, le scandale a largement dépassé les frontières françaises. Dans toute l’Europe, des joueurs (le gardien espagnol Iker Casillas) ou des consultants (Gary Lineker, l’ex-attaquant désormais star de la télé anglaise) ont fait part de leur incompréhension après ce geste aussi inédit qu’insolite. Tony Chapron, qui a présenté ses "excuses" lundi après-midi dans une courte déclaration à l'AFP, n'en est pourtant pas à sa première polémique.
- Un habitué des polémiques
Depuis ses débuts en Ligue 1, en 2004, Tony Chapron s’est forgé une réputation de "cow-boy" des pelouses à la gâchette facile, avec 65 cartons rouges distribués au cours de sa carrière dans l’élite, plus que n’importe lequel de ses collègues. Le natif de Normandie, arbitre depuis ses 16 ans, a également été la cible des joueurs, des dirigeants comme des supporters pour son caractère bien trempé, voire provocateur. En 2009, l’homme au crâne rasé se retrouve en quelques semaines au cœur de deux affaires. Après un match contre Monaco, le joueur de Nice Olivier Echouafni le vise nommément, assurant qu’"on ne (lui) avait jamais parlé comme ça sur le terrain".
Deux mois plus tard, le Valenciennois Rafael Schmitz rapporte des propos, d’une rare violence, prononcés selon lui par le sulfureux arbitre : "Sur la deuxième mi-temps, on va vous enculer". Le président du club nordiste, excédé, ira jusqu’à le traiter de "raclure de bidet". Face à la polémique, Tony Chapron renoncera à arbitrer les deux dernières journées de la saison. "Je me suis senti sali et humilié par certains propos", confiera-t-il dans un entretien au Dauphiné Libéré.
Malgré cette réputation sulfureuse, Tony Chapron continue d’arbitrer au plus haut niveau (il est également arbitre international) et à faire parler de lui à intervalles plus ou moins réguliers. En mars 2013, il aurait ainsi adressé un doigt d’honneur à des supporters corses, à la mi-temps du match de Ligue 2 entre le Gazélec Ajaccio et Monaco. Même Zlatan Ibrahimovic ne lui fait pas peur. En 2015, le Suédois, auteur d’un triplé contre Lorient, demande à récupérer le ballon du match, comme le veut la tradition, mais Tony Chapron refuse de lui donner dès le coup de sifflet final. Finalement, l’arbitre lui donnera bien le ballon dans les vestiaires, après plusieurs minutes d’attente…
Zlatan et Mr Chapron au sujet du ballon du match : les images exclusives #Jplus1pic.twitter.com/KlSGfuSvue
— J+1 (@jplusun) 24 mars 2015
- Un caractère affirmé et assumé
Tony Chapron, qui a été surveillant et a officié en tant que Conseiller principal d’éducation (CPE) dans un lycée, a toujours assumé son caractère. "Si on n’est pas courageux, on ne peut pas être arbitre. Tout le reste peut se développer, mais le courage ne peut pas se greffer", déclare-t-il dans une interview pour l’opération "Tous arbitres". Malgré les nombreuses critiques à son encontre, il assure ne "jamais lire la presse sportive." "Nous savons que quoi qu'il arrive, nous ne sommes pas aimés. J'ignore tout ce qui se dit sur moi et ne lis jamais la presse sportive. Je connais suffisamment mon métier pour analyser moi-même mes performances", assure-t-il dans un entretien à Ouest France.
L’homme semble même avoir une inébranlable confiance en lui. "Quoi qu'il en soit, un arbitre sera toujours déprécié. Et si l'on arrive en situation de dévalorisation, il est très difficile d'officier. Un bon arbitre c'est celui qui a confiance. Je me tue à le répéter à mes collègues", abonde-t-il dans le quotidien régional La Montagne. Parmi les arbitres, justement, Tony Chapron est reconnu comme une forte tête. "A partir du moment où vous avez du caractère, vous ne laissez personne indifférent", juge Eric Castellani, ancien arbitre international interrogé par Europe 1.
- Une liberté de ton qui agace jusqu’aux instances
Tony Chapron a également marqué les esprits par sa liberté de ton. En 2009, il co-signe une tribune dans le quotidien Libération pour contester le bien-fondé de l’arbitrage vidéo. Homme de conviction, il s’engage pour sa corporation en militant pour la création du syndicat des arbitres de l’élite (SAFE), dont il deviendra le premier président entre 2006 et 2008. Il n’hésite pas à prendre publiquement position contre les instances, avec toujours autant de caractère.
Dans un entretien à l’AFP en 2011, Tony Chapron s’en prend à "l’incompétence de la fédération dans le domaine de l’arbitrage et dans d’autres domaines", se disant "écœuré". Ses propos, d’une rare franchise dans le foot, lui valent une suspension de trois mois de la part du Conseil national de l’éthique (CNE). Après une carrière aussi riche que mouvementée, il avait annoncé en novembre dernier sa retraite à la fin de cette saison. De quoi lui permettre de garder un regard toujours aussi libre, et aiguisé, sur le foot français.