Un simple succès face à la Corée du Sud lui assurait une place en huitièmes de finale de la Coupe du monde. Et pourtant, ce 17 juin 2018, l'équipe d'Allemagne a échoué. Battue 2-0 pour son dernier match de poules, la Nationalmannschaft, tenante du titre, était sortie dès la phase de groupes. Une première dans l'histoire de l'équipe nationale, qui avait toujours franchi ce stade de la compétition. Un mois plus tard, ce tremblement de terre sans précédent connut une forte réplique. Mesut Özil, l'un des hommes de bases du onze allemand depuis de nombreuses saisons, 92 sélections au compteur, annonçait son retrait de l'équipe nationale, à 29 ans seulement. En cause : le racisme supposé des autorités du football allemand.
Özil, la polémique de l'été. Dans le communiqué où il annonce son départ de l'équipe nationale, Özil égratigne notamment le président de la Fédération allemande, Reinhard Grindel. "Aux yeux de Grindel et de ses soutiens, je suis allemand quand nous gagnons, mais je suis un immigrant quand nous perdons", écrit le joueur d'Arsenal, au cœur d'une polémique pour avoir posé aux côtés du président truc, Recep Tayip Erdogan, à Londres, avant la Coupe du monde, avec un autre international allemand, Ilkay Gündogan, et un international turc, Cenk Tosun.
Reinhard Grindel se défend de tout racisme dans les critiques qu'il a pu émettre. "Si deux de nos joueurs de l'équipe nationale ont fait une telle photo, qui est publiée par le compte de campagne du parti AKP (Parti de la justice du développement, ndlr), alors on ne peut pas nier que cela a un impact sur la campagne électorale de M. Erdogan, et je pense que ce n'est pas bon", a insisté Reinhard Grindel. "Au final cela n'a rien à voir avec le fait qu'un de nos joueurs peut avoir une origine étrangère ou pas."
Sauf que Grindel reste associé à un discours prononcé en 2004 dans lequel il affirmait que le multiculturalisme en Allemagne était "un mythe, un mensonge", discours auquel Özil fait référence. Ancien élu de la CDU, le parti libéral-conservateur de la chancelière Angela Merkel, Grindel est en poste depuis avril 2016 et il est censé porter le projet d'organisation de l'Euro 2024. L'Allemagne est le seul pays candidat en lice avec… la Turquie.
Gündogan au centre des attentions. Aujourd'hui, en Allemagne, les affaires de la sélection dépassent donc largement le cadre du sport et ce, d'autant plus dans le contexte de tensions qui existent dans plusieurs villes autour de l'accueil des migrants. De fait, avant la réception des Bleus, l'affaire Özil continue d'être dans toutes les têtes. Car si Özil a quitté la sélection, Gündogan, lui, est toujours présent. Lors du dernier match à domicile avant le Mondial, contre l'Arabie saoudite, à Leverkusen, Gündogan avait été hué par la foule.
Son accueil par l'Allianz Arena de Munich, s'il devait fouler la pelouse, est très attendu. "Nous voulons envoyer un signal fort, montrer que nous sommes tous solidaires", a insisté Thomas Müller, l'une des figures de la sélection. "Et c'est pour cela que nous allons encore plus soutenir Ilkay Gündogan." De son côté, le joueur de Manchester City est prêt à n'importe quel type d'accueil : "Je ne me défilerai pas, je ferai face. Ce sera une épreuve de maturité pour moi. Je suis toujours aussi fier de jouer l'Allemagne (il compte 27 sélections et 4 buts)."
Löw toujours aux commandes mais sous pression. Gündogan peut également compter sur le soutien de son sélectionneur, Joachim Löw, qui a appelé "tous les fans à lui apporter leur soutien". Aucun sélectionneur n'aurait résisté à la tempête qu'a connue l'équipe nationale cet été. Mais Löw n'est pas n'importe qui. Il a ramené l'Allemagne au sommet et son bilan reste incroyable, avec un titre de champion du monde (2014), une finale d'Euro (2008), une demi-finale de Coupe du monde (2010) et encore deux demi-finales d'Euro (2012 et 2016).
Lors de l'annonce de la liste des joueurs retenus face à la France, Löw a tenu une conférence de presse de deux heures (!), où il a évoqué les soupçons de racisme pesant sur le Fédération ("Depuis que je suis à la Fédération allemande (en 2004, comme entraîneur adjoint), il n'y a jamais eu aucune forme de racisme dans l'équipe nationale, les joueurs se sont toujours identifiés à nos valeurs"), avant de reconnaître deux "fautes" dans la gestion de son équipe en Russie : une "arrogance" tactique, pour avoir voulu jouer un football trop parfait de possession et de "domination absolue", et une incapacité à rallumer "le feu et la passion" qui avaient conduit au titre mondial au Brésil en 2014.
Le retour de l'Allemagne à la compétition (car la Ligue des nations en est bien une) est très attendu, jeudi. "Après le désastre du Mondial, la France pourrait être pour Löw l'instrument du destin", considère le site Sport.de. Pour partir en reconquête, Löw a choisi de repartir avec sensiblement le même groupe, le milieu de terrain Sami Khedira étant la seule victime de choix. Les tauliers sont toujours là - Manuel Neuer, Toni Kroos, Mats Hummels, Jérôme Boateng ou encore Thomas Müller - mais Löw a également rappelé Leroy Sané, 22 ans, et appelé trois nouveaux joueurs, le néo-Parisien Thilo Kehrer (21 ans), le défenseur d'Hoffenheim Nico Schulz (25 ans) et l'attaquant du Bayer Leverkusen, Kai Harvetz, 19 ans.
À la Coupe du monde, Löw avait été critiqué pour ne pas avoir donné assez sa chance à la jeunesse, ce qui lui avait pourtant particulièrement réussi lors de la Coupe des confédérations en 2017, disputée avec une équipe largement remaniée, mais brillamment remportée avec comme capitaine le joueur du PSG, Julian Draxler, qui n'a joué qu'un match et demi sur les trois de l'Allemagne au Mondial. Draxler, 24 ans, est à nouveau dans le groupe, tout comme Leon Goretzka, qui avait été lui aussi brillant en Coupe des confédérations. L'Allemagne conserve un impressionnant vivier de jeunes joueurs de talent, pour qui cette Ligue des nations et ce match face à la France peuvent être une rampe de lancement idéale. La jeunesse, la victoire, ce sont là deux ingrédients essentiels pour oublier un Mondial désastreux et mettre de côté les polémiques.
Allemagne-France est à suivre en intégralité dès 20 heures (coup d'envoi à 20h45) sur Europe 1 et Europe1.fr.