Un finaliste surprise. Ils ont enfin l'occasion de dépoussiérer leur armoire à trophées. Les joueurs du Dnipropetrovsk sont les invités surprise de la finale de Ligue Europa, qui opposera mercredi le club ukrainien au tenant du titre, le FC Séville. Une affiche sur laquelle peu de bookmakers auraient parié, tant le pedigree continental de ce club de l'est ukrainien est indigent. A son actif, deux quarts de finale de Coupe d'Europe des clubs champions (l'ancêtre de la Ligue des Champions) en 1985 et 1990. Il faut donc remonter à la période soviétique et à la Coupe d'URSS 1989 pour retrouver trace d'un trophée international dans le palmarès du club de cette grande ville ukrainienne (1,4 millions d'habitants), la troisième du pays.
Hooligans et miliciens. Autant dire que pour les supporters, remporter la Ligue Europa serait le meilleur moyen d'effacer des tablettes ce passé soviétique et d'affirmer sur le plan sportif la grandeur de l'Ukraine. Car certains fans du Dnipropetrovsk, connus pour leur ferveur, voire plus comme en atteste les violences qui ont émaillé les rencontres face au FC Copenhague ou encore Saint-Etienne, considèrent leur club comme une vitrine politique idéale en plein conflit séparatiste ukrainien. Les plus radicaux d'entre eux ont même formé un groupe d'ultras aux choix esthétiques évocateurs. Les drapeaux et autres symboles qu'arborent les membres du groupe sont directement inspirés du blason du bataillon Azov (un swastika noir sur fond jaune)
Un match interrompu après des heurts entre...par 20Minutes
Proches de l'extrême-droite nationaliste. Les liens entre ces milices, proches du parti nationaliste d'extrême-droite Svoboda, et les hooligans de plusieurs clubs ukrainiens, ont éclaté au grand jour sur la grand-place de Kiev, lors du soulèvement. Le site Think Progress rapporte que l'un des leaders de Svoboda, Oleg Tyahnybok avait même prononcé un discours le 25 janvier 2014 sur le Maïdan, remerciant les "hools" pour le rôle joué dans le renversement de Viktor Ianoukovitch : "Gloire à l'Ukraine! Applaudissons les héroïques supporters du Dnipro, de Cherkasy, de Lviv et de Poltava." Si des supporters d'autres clubs sont allés grossir les rangs du bataillon Azov, dont une quarantaine venus du Dynamo Kiev, le site spécialisé Footballski rappelle que le Dnipropetrovsk tient un rôle majeur dans ce mélange des genres où sport et politique se confondent.
L'impressionnante vidéo de la ferveur des supporters du Dnipropetrovsk
Un oligarque politicien aux manettes. Et pour cause, Igor Kolomoïsky, le président du club, également PDG de Privat, le plus grand groupe bancaire du pays, est notoirement connu pour financer ce bataillon Azov, comme l'explique également le Wall Street Journal. Un personnage qui a frayé dans le monde des affaires, du sport, mais aussi sur la scène politique ukrainienne puisqu'il a su louvoyer des années durant : très proche du pouvoir en place jusqu'en 2013, il soutient ensuite la révolution du Maïdan. Une attitude qui lui vaut d'être nommé gouverneur de la région de Dnipropetrovsk où il officie pendant un an entre mars 2014 et 2015 par le nouveau gouvernement de Kiev. Mais Kolomoïsky est vite débarqué par le nouveau président Porochenko, qui craint que l'oligarque prenne trop d'assurance et d'influence sur cette région, la plus industrielle et la deuxième plus grande du pays. Le site The Daily Beast (en anglais) explique même que "Porochenko craignait qu'il fasse sécession et crée sa propre république".
"Nous avons joué pour toute l'Ukraine." Loin des ambitions politiques de leur patron, les joueurs et le staff du Dnipropetrovsk, eux, se félicitent simplement de la performance sportive qu'ils réalisent cette saison et de l'impact qu'elle produit sur la population. "Nous avons joué pour toute l'Ukraine. Je voudrais dédicacer ce triomphe à tous ceux qui se trouvent dans la zone du conflit, à l'est de l'Ukraine", a d'ailleurs affirmé l'entraîneur Myron Markevich après l'élimination des favoris italiens de Naples en demi-finale. Des milliers d'Ukrainiens, jeunes et moins jeunes, exultaient alors torse nu, chantant à tue-tête l'hymne national et le chant du club après le but de Seleznyov, synonyme de finale après le nul 1-1 en Italie.
Ultras unis et fumigènes. L'hymne ukrainien a largement gagné du terrain dans les travées des stades du pays depuis le début de la guerre civile. Ce qui amène des groupes de supporters de clubs ennemis à oublier leur rivalité et à afficher leur union. C'est ainsi que les fans du Dnipropetrovsk, et ceux du Metalist Kharkov, adversaires historiques, ont défilé ensemble pour l'union de l'Ukraine avec les ultras d'une dizaine d'autres clubs du pays sur un pont de Kiev en faveur de l'unité du pays.
Les ultras traversent un pont à Kiev et forment une imposante colonne de fumigènes
Mercredi soir, lors de la finale de la Ligue Europa à Varsovie, le Dnipropetrovsk devrait donc non seulement porter les espoirs d'une ville, mais aussi du courant nationaliste qui traverse toute l'Ukraine.