Pour atteindre la finale de la Ligue Europa, l’Olympique lyonnais va devoir éliminer un monument du football : l’Ajax Amsterdam (match aller mercredi soir, aux Pays-Bas). Le mythique club néerlandais, vainqueur de quatre Ligue des champions et véritable "usine à champions", de Johan Cruyff à Dennis Bergkamp en passant plus récemment par Wesley Sneijder, est pourtant loin de sa splendeur passée. Depuis 20 ans, les Amstellodamois n’avaient ainsi plus atteint le dernier carré d’une compétition européenne (éliminés en demi-finales de la Ligue des champions 1997 par la Juventus Turin).
Un géant endormi. Au début des années 1970, le club néerlandais façonne sa légende en remportant trois fois de suite la Coupe d’Europe des clubs champions (1971, 1972, 1973), l’ancêtre de la Ligue des champions, grâce à une conception du jeu révolutionnaire, le "football total", symbolisé par le talent fou de Johan Cruyff, triple Ballon d’Or décédé l’an dernier. Puis, en 1995, l’Ajax, porté par une génération de jeunes joueurs formés au club (Van der Sar, les frères de Boer, Davids, Kluivert…) remporte à nouveau la C1. Mais depuis ce dernier succès continental, le club a connu un long déclin sur la scène européenne, ne dépassant pas les huitièmes de finale de la Ligue des champions depuis 2005-2006.
Conséquence : l’Ajax n’apparaît plus comme un grand d’Europe pour les jeunes générations. "C'est une institution mais je ne connais pas trop", a reconnu le Lyonnais Lucas Tousart, 20 ans, interrogé en conférence de presse. "Quand j'étais petit, ce n'était plus un club très en vogue. C'était un peu dépassé. C'est plus mon père qui m'en parle, de Johan Cruyff... De par ce que j'entends, cela représente beaucoup au niveau des caractéristiques de jeu. C'est un club qui a gardé ses principes."
Une identité forte... et jeune. Lucas Tousart a vu juste : l’Ajax, même sans grand résultat en Coupe d’Europe, est resté fidèle à son identité de jeu, basée sur un football offensif et spectaculaire. Mais, confronté à des ressources nettement inférieures aux équipes des grands championnats européens, le club néerlandais est obligé de miser sur la formation. La ligne des dirigeants ajacides est claire : former de jeunes joueurs avant de les revendre au prix fort dans toute l’Europe.
Une politique qui a rapporté gros ces dernières années, avec les ventes du gardien Jasper Cillessen (13 millions d’euros au FC Barcelone) ou encore les attaquants Arkadiusz Milik (32 millions d’euros à Naples) ou Anwar El-Ghazi (9 millions d’euros à Lille). Revers de la médaille : le club est obligé de compenser, année après année, les départs de ses meilleurs joueurs. Ce qui ne l'a pas empêché d'atteindre le dernier carré de la Ligue Europa. "Peu de personnes espéraient voir l’Ajax faire de telles performances en Europe cette saison. C’est un peu une surprise", avoue pour Europe 1 le journaliste Tom Lagerberg, qui suit l'Ajax pour la chaîne de télévision néerlandaise NOS.
Des joueurs peu connus. L’Ajax est parvenu à se hisser en demi-finales après un quart de finale retour totalement fou. Mené 3-0 en prolongation et réduit à dix sur la pelouse de Schalke 04, les jeunes Ajacides ont arraché au courage leur qualification, dans les dernières minutes (2-0, 2-3 a.p.). Des performances qui ne sont pas passées inaperçues : les joueurs de l’Ajax, peu connus mais très talentueux, sont déjà courtisés par de nombreux clubs européens. "Ils ont une équipe jeune, avec une génération talentueuse. Mais le problème pour le club est de garder ces joueurs, pour qu'ils accumulent plus d'expérience. S’ils y parviennent, ils pourront faire de bonnes performances en Europe", espère Tom Lagerberg.
Sauf que, survie économique oblige, le milieu néerlandais Davy Klaasen (23 ans), capitaine du club, devrait partir cet été en cas de grosse offre. Même constat pour le défenseur central colombien Davinson Sanchez (20 ans), l’attaquant danois Kasper Dolberg (19 ans) et le milieu offensif marocain Hakim Ziyech (24 ans). Mais la relève pousse déjà : le défenseur central Matthijs de Ligt est déjà titulaire à seulement 17 ans, tout comme un certain Justin Kluivert (17 ans aussi), ailier et fils de Patrick, l’actuel directeur sportif du PSG et ancienne légende du club. La preuve qu’à l’Ajax, le cocktail entre tradition et modernité a de beaux jours devant lui, avec l'espoir de retrouver, un jour, les sommets européens...