Comme 14 autres skippers sur cette 8e édition du Vendée Globe, Morgan Lagravière est un bizuth. Il a déjà fait des transatlantiques. A plusieurs et en solo. Mais un tour du monde en solitaire et sans assistance, jamais. Terrifiant, vous avez dit ? Pas pour celui qui navigue depuis plus de 20 ans. A 29 ans, oui, oui.
EPISODE 1/3 - Le stress du du bizuth
EPISODE 2/3 - Rodé comme un pro
EPISODE 3/3 - La solitude du marin
Morgan aurait pu ne jamais participer à cette course mythique. Après une jeunesse passée à décrocher des médailles en 420 sur les plages de la Réunion, il poursuit en 49er (dériveur léger à deux équipiers) et intègre l’équipe de France olympique avant ses 20 ans. Mais au lieu de s’intéresser aux potentielles médailles, en amateur, il vire de bord et s’attaque, en pro, à la Solitaire du Figaro. Très précoce, il enchaîne les victoires et tape dans l’œil du groupe industriel Safran. Quelques années plus tard, le voilà embarqué sur cet incroyable projet.
" Morgan sait exprimer son instinct alors que la plupart des skippers de sa génération sont davantage portés sur la théorie. "
Pour mieux se préparer à vivre près de 80 jours en mer – le record de la course, 78 jours 2 heures et 16 minutes, appartient à François Gabart – Morgan est accompagné depuis plusieurs mois par la maison Kaïros, écurie fondée en 2007 par Roland Jourdain. Lors du dernier entraînement au large de la Bretagne, "Bilou" observe son poulain de marin et lui délivre ses derniers conseils. S'il n'a jamais réussi à boucler le Vendée Globe – il a été contraint à l'abandon à deux reprises, en 2004 et en 2008 – Roland Jourdain a navigué sur toutes les mers du globe et connaît par cœur ces longs moments de solitude.
Pas vraiment inquiet par nature, "Bilou" semble "plutôt confiant" pour Morgan. "Sa première qualité, c'est un instinct ultra développé sur l’eau, explique-t-il tout en suivant du regard les manœuvres du skipper de Safran. Surtout, il sait l’exprimer alors que la plupart des skippers de sa génération sont davantage portés sur la théorie. C’est très agréable pour toute l’équipe car nous avons un retour précis de ce qu’il ressent à bord et cela nous permet d’être plus efficaces". Ne le comparez donc pas à François Gabart, vainqueur du dernier Vendée Globe qu'on a pu accuser d'être plus un ingénieur qu'un navigateur.
Le vent se lève au large de Concarneau en cet après-midi d'été indien. 25 à 30 nœuds de côté font gîter l'IMOCA Safran. Les foils, nouveautés technologiques qui ont remplacé les dérives classiques, donnent littéralement l'impression de voler sur l'eau. Mais la grande bleue est loin d'être démontée. Morgan le sait très bien, une mer calme n'a jamais fait un bon marin. "Totalement malgré lui", il a affronté des gros grains sur ses dernières courses. "J'ai été pas mal traumatisé, avoue-t-il. Sur la transat Jacques Vabre avec Nicolas Lunven, notre bateau s'est ouvert en deux en plein milieu de l'Atlantique. Sur la transat Saint-Barthélemy - Port-La-Forêt, j'ai connu une dépression comme je n'en avais jamais vécu. J'en ai vraiment bavé".
Comme si la poisse le poursuivait ces derniers mois, Morgan a dû faire face à toute une série d'imprévus sur sa dernière transat, en équipage cette fois aux côté de Roland Jourdain. "On a d'abord cassé notre gouvernail dans 50 nœuds de vent, rembobine-t-il tout en affalant sa trinquette avant. Après avoir réparé aux Açores, on a explosé un des deux foils sur une baleine au large de New York". Des conditions compliquées qu'il devrait à nouveau affronter sur le Vendée Globe. "Ce genre d'expérience, ça n'a pas de prix. J'aurais moins peur si ça doit encore se produire". En traversant les trois principaux caps – le Cap de Bonne Espérance, le Cap Leeuwin et le Cap Horn – en voguant sur l'Atlantique, l'Océan Indien et le Pacifique, il ne devrait pas y échapper.
Découvrez l'épisode 3 : la solitude du marin