Le week-end a été endeuillé par la mort du coureur belge Michael Goolaerts, victime d’un arrêt cardiaque lors de Paris-Roubaix. Plusieurs footballeurs sont récemment décédés dans des conditions similaires.
Le monde du sport est secoué par les drames. Le jeune coureur belge Michael Goolaerts, 23 ans, est mort dimanche soir des suites d’un arrêt cardiaque, quelques heures après l’arrivée de Paris-Roubaix. Selon les premiers éléments de l’enquête, son décès serait la conséquence d’un malaise, "sans doute cardiaque", d’après le parquet de Cambrai.
Début mars, Davide Astori, capitaine de la Fiorentina et figure du foot italien, avait succombé à un arrêt cardiaque lié à un ralentissement du cœur. Un footballeur de 18 ans du centre de formation de Tours était mort quelques jours plus tard des suites d’une malformation cardiaque tout comme, fin mars, un jeune joueur de 12 ans de Guingamp. Face à cette hécatombe, médecins et dirigeants s’interrogent.
- Des décès stables et survenant majoritairement au-delà de 40 ans
Cette dramatique série inquiète les sportifs comme les clubs. Pour autant, le nombre de décès d’origine cardiaque sur les terrains de sport, environ 500, n’a pas évolué sensiblement. "C'est un chiffre qui évolue très peu année après année, malgré la surveillance et la prévention", assure Emmanuel Orhant, directeur médical de la Fédération française de football et ancien médecin de l’équipe de France olympique, interrogé sur Europe 1.
Pour François Carré, cardiologue chargé du suivi des joueurs du Stade Rennais (Ligue 1), ces chiffres sont cependant à prendre avec précaution. "C’est très difficile à chiffrer. Beaucoup d’études se sont basées sur les données des médias. Mais ces données ne rapportent que 50% des cas", estime-t-il sur Europe 1. Autre idée reçue battue en brèche par le cardiologue : les décès ne concernent pas majoritairement les sportifs en pleine force de l’âge. "Il y a deux études qui chiffrent de 1.000 à 1.200 sportifs qui meurent dans la population française. En général, ce sont des hommes de 40 à 50 ans qui font du sport de loisir, mais ces cas ne sont pas médiatisés. L’image du jeune sportif qui meurt n’est pas conforme à la réalité."
- Un suivi poussé...
Le suivi médical des sportifs professionnels est pourtant au cœur des préoccupations des différentes fédérations. Jean-Claude Perrin, ancien entraîneur d'athlétisme et de tennis, a constaté une nette amélioration au fil de sa carrière. "J’entraîne depuis plus de 50 ans, et l’évolution a été constante. Tout le monde a pris conscience de l’importance du suivi médical. La part réservée au suivi est très importante", tranche notre consultant.
En cyclisme, des tests cardiaques réguliers sont ainsi imposés par les instances. "La licence n’est délivrée que quand des examens sont réalisés, avec un bilan cardio-vasculaire complet, dont des tests d’effort. Tous les deux ans, il faut également réaliser une échographie cardiaque", explique Gérard Guillaume, ancien médecin de l’équipe cycliste "Française des Jeux", interrogé sur Europe 1. En football, la commission médicale fédérale de la FFF impose un examen cardiaque complet annuel, et une échographie cardiaque régulière.
- … mais encore perfectible, particulièrement chez les jeunes
Malgré ces préconisations, la détection des pathologies cardiaques chez les sportifs connaît encore des failles. Lilian Thuram avait dû arrêter sa carrière en 2008 en raison d’une malformation détectée avant sa signature au PSG, alors qu’il était âgé de 36 ans et avait évolué dans des clubs aussi prestigieux que Monaco, la Juventus ou Barcelone. En 2014, le cycliste belge Olivier Kaisen avait dû ranger son vélo, à 30 ans, en raison d’anomalies cardiaques détectées tardivement.
"Nos experts cardiologues essaient de comprendre si on passe à côté de nouveaux problèmes. Les charges de travail sont plus importantes qu’avant", s’inquiète Emmanuel Orhant, le directeur médical de la FFF. Le problème se pose particulièrement chez les jeunes sportifs, dont le suivi reste moins poussé que pour les professionnels. "On est obligés de se poser des questions, entre les décès survenus durant la nuit et ceux sur les terrains. On doit se demander s'il faut chercher, chez les jeunes, les maladies cardiaques avant qu’elles n’apparaissent".
- Le spectre du dopage ?
Outre les progrès à effectuer dans le suivi médical, le dopage peut-il expliquer une partie de ces morts subites ? En 1967, le Britannique Tom Simpson avait succombé sur les pentes du Mont Ventoux, victime des effets combinés de la chaleur et d’une prise massive d’amphétamines. Le Monde rappelait, dans un article datant de 2006, que de nombreuses morts suspectes ont été à déplorer ces dernières décennies, notamment dans le football italien.
Pour François Carré, les décès liés au dopage sont cependant loin de représenter la majorité des cas. "On se retrouve un peu sur l’image classique du 'tous dopés.' C’est une erreur de rattacher ces décès au dopage. Je ne dis pas qu’il n’y en a pas, mais j’insiste : la plupart des décès liés à la pratique sportive sont des hommes de 40-50 ans qui font du sport loisir", rappelle le cardiologue. "Il y a trois principaux facteurs de risque : de fumer juste avant ou juste après la pratique ; de faire du sport quand on a de la fièvre ; et de ne pas respecter des douleurs dans la poitrine. Si les sportifs respectaient ces trois symptômes, on pense qu’on diminuerait de 50% les morts subites", avertit-il. Chez les amateurs, comme chez les professionnels, le cœur du problème n’a toujours pas été résolu.