Pour Robins Tchale-Watchou, président du syndicat national des joueurs de rugby Provale, il faut mettre en place une démarche pédagogique pour alerter sur les effets à long terme des commotions cérébrales dans le rugby.
Le rugby est-il devenu trop violent ? La question se pose alors que les commotions cérébrales sont devenues monnaie courante chez les joueurs : pas moins de 102 l'année dernière en Top 14. Un phénomène qui touche autant les professionnels que les amateurs et qui inquiète Robins Tchale-Watchou, président du syndicat national des joueurs de rugby Provale. "Aujourd'hui, aucun médecin n'est capable de vous dire les conséquences à long terme de ces successions de commotions cérébrales. C'est ça qui est inquiétant, encore plus que le fait d'en subir", souligne cet ancien joueur international de rugby camerounais, invité d'Europe Soir vendredi.
"Ça peut très mal se passer." Lui-même victime d'"une dizaine" de commotions cérébrales au cours de sa carrière professionnelle, Robins Tchale-Watchou affirmer aller "bien" désormais. "Les effets évoluent en fonction des personnes, de la répétition des chocs. Il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu. Ça peut évoluer en bien ou ça peut très mal se passer. C'est toute la question de savoir comment la santé des joueurs va évoluer demain", affirme le jeune retraité de 35 ans, passé notamment par Auch, Perpignan et Montpellier.
Pourquoi les commotions cérébrales sont-elles de plus en plus nombreuses ? Selon ses détracteurs, le rugby est passé en quelques années de sport d'évitement à sport de combat. "Les pratiques ont évolué mais la technique reste souvent limitée. Il faut savoir que bon nombre de commotions sont dues à des plaquages non maîtrisés", précise Robins Tchale-Watchou. "Il y a aussi le fait que les joueurs sont devenus plus véloces, plus costauds. Les courses sont plus rapides et les impacts plus puissants. Le jeu est désormais structuré autour des affrontements."
Prise de conscience. Pour protéger les rugbymen victimes de choc, un protocole commotion a été mis en place en 2014. En cas de suspicion de commotion, l'arbitre arrête systématiquement le jeu. Le joueur sort et est pris en charge par des médecins qui évaluent s'il est apte à retourner sur le terrain ou non. Ce protocole traduit selon le président de Provale "une prise de conscience au sein des instances nationales et de l'opinion publique". "La crainte que l'on partage tous c'est qu'un jour, un joueur ne se relève pas", lâche Robins Tchale-Watchou.
Mais l'éventualité de la mort d'un joueur sur la pelouse ne doit pas tourner à l'obsession, selon l'ancien joueur. "Il ne faut pas non plus tomber dans une sorte de paranoïa. Le rugby n'est pas un sport violent, c'est un sport viril. C'est pourquoi on a mis si longtemps a parlé des commotions. Aborder le sujet, c'était passer pour un faible. Maintenant, on en parle, les joueurs acceptent de ne pas jouer, les staffs acceptent de laisser un joueur au repos parce qu'on connaît les conséquences dramatiques des chocs à la tête", assure Robins Tchale-Watchou.
Alerter les joueurs. Pour aller plus loin, il plaide pour "une vraie démarche pédagogique". "On ne pourra pas apporter une solution pérenne au problème des commotions cérébrales si on ne travaille pas tous de concert, éducateurs, entraîneurs et joueurs. Trop souvent, quand on est joueur, notamment chez les amateurs, on a tellement envie de jouer qu'on se dit que ça va aller", explique Robins Tchale-Watchou, qui conclut : "On ne mesure pas assez les conséquences à court et long terme des commotions."