Une véritable lune de miel. Moins de deux mois après avoir fait appel à Amélie Mauresmo pour l’entraîner, Lucas Pouille affronte le numéro 1 mondial Novak Djokovic en demi-finale de l’Open d’Australie, vendredi matin (9h30). A 24 ans, le Français (31e mondial) réalise la meilleure performance de sa carrière en Grand Chelem, sans doute au moment où on l’attendait le moins. Car quand le Nordiste se tourne vers Amélie Mauresmo, au lendemain de la finale de Coupe Davis perdue fin novembre, il sort d’une année 2018 cauchemardesque. "Changer d'entraîneur a été une décision forte, non pas que Manu (Emmanuel Planque, son ancien coach) faisait du mauvais travail, au contraire, mais je n'y arrivais plus comme ça. Il me fallait du changement", a estimé Pouille, interrogé après sa victoire contre Milos Raonic en quart de finale. Un changement qui s’est avéré, d’ores et déjà, payant.
Un changement radical. Pour comprendre la métamorphose de Lucas Pouille, il faut revenir en décembre dernier, juste après la défaite en finale de la Coupe Davis. Le Français est sur le point de conclure une année 2018 terriblement décevante, qui l’a vu glisser du top 10 à la 31e place mondiale. Mais le mal est plus profond : il l’avoue sans détours, il avait perdu la flamme. "Perdre la joie d'être sur le court, de s'entraîner dur, c'était la première fois que ça m'arrivait. J'ai pris le temps de réfléchir à ma carrière, à ce que je voulais faire", confie Pouille.
Il prend alors la décision radicale de se séparer de son entraîneur historique, Emmanuel Planque, pour faire appel à Amélie Mauresmo. "J'ai eu le sentiment qu'il y avait chez lui une grosse détermination pour mettre toutes les chances de son côté pour reprendre son ascension après une période difficile", disait Mauresmo, début décembre, dans le journal L'Equipe. "Je ne crois pas au truc miracle, genre "tu arrives sur un Grand Chelem et tu fais la différence car tu t'appelles untel ou untel". Ce n'est pas réaliste", poursuivait-elle, comme pour tempérer les attentes autour de leur collaboration.
14. @la_pouille devient le 14ème joueur français à se qualifier pour une demi-finale en Grand Chelem, le premier depuis @Gael_Monfils à l'US Open 2016. #AusOpenpic.twitter.com/wHK7OoTSn1
— Jeu, Set et Maths (@JeuSetMaths) 23 janvier 2019
Un gros travail à l’intersaison. Effectivement, les débuts du duo sont difficiles. Début janvier, le Français ne remporte pas la moindre victoire en Hopman Cup (une compétition par équipes) puis s’incline lourdement au premier tour du tournoi de Sydney, battu en deux sets (6-3, 6-2) par le jeune Russe Andrey Rublev (87e mondial). Mais Pouille tire de la force de la présence de Mauresmo à ses côtés. "Ça m'a rassuré de voir que pour Amélie, ce n'était pas grave, que ça ne changeait rien, qu'elle avait confiance en moi et qu'elle allait continuer. Ça m'a fait du bien", assure-t-il. "On est tout de suite reparti au boulot, c'était important de retrouver de la confiance dans le travail".
Amélie Mauresmo ne révolutionne pas le jeu de son nouveau protégé, mais elle liste trois chantiers prioritaires : le service, le retour - "trente à quarante minutes par entraînement" - et la justesse dans le jeu. Pouille le répète conférence de presse après conférence de presse, il "travaille dur" depuis l'intersaison. Mais plus que sur le plan tennistique, c’est surtout mentalement que l’ancienne entraîneure d’Andy Murray (entre 2014 et 2016) a libéré Lucas Pouille.
Mauresmo lui apporte "beaucoup de confiance". La mue est spectaculaire : en un mois et demi, le Français reprend goût au tennis. "Elle m'apporte beaucoup de confiance dans mon jeu, mon état d'esprit, ma personnalité. Elle est très motivée. A l'entraînement, elle est concentrée sur chaque balle. En même temps, l'ambiance est décontractée, pendant les pauses on plaisante, on rit. C'est un bon équilibre C'est une championne, une super entraîneure", s'enflamme le Français, qui ne tarit pas d’éloges sur la double vainqueure en Grand Chelem (Open d’Australie et Wimbledon 2006).
"Il trouve sa routine. Il n'y a rien d'extraordinaire", commente modestement Mauresmo, interrogée jeudi par L'Equipe. "Nous, entraîneurs, sommes sur la préparation du match, c'est-à-dire les vidéos, bien noter tout ce qu'on a envie de faire passer au joueur, etc. Toujours penser au lendemain, essayer d'avoir un coup d'avance". L'ancienne numéro 1 mondiale a d'ailleurs un plan pour tenter l'impossible, vendredi en demi-finales face à la "montagne" Novak Djokovic : "J'ai mon idée que je ne vais évidemment pas développer. J'ai beaucoup de choses très précises sur le jeu de Novak et de Lucas". Pour battre le "Djoker", Pouille aura besoin de toutes les cartes à sa disposition.