L'ancienne ministre des Sport a mis la barre haut, un peu trop haut peut-être. Il y a un an, quand Paris décroche l'organisation des Jeux olympiques de 2024, Laura Flessel fixe pour la France un objectif de 80 médailles. Un chiffre particulièrement ambitieux au regard des performances tricolores lors des précédentes olympiades. Un chiffre qui sort de nulle part, diront même certaines mauvaises langues.
Une déclaration hasardeuse. Pour comprendre ce chiffre, un petit retour en arrière s'impose. La scène se passe le 11 septembre 2017, à l'avant-veille de l'attribution des Jeux. Laura Flessel est à Lima, au Pérou, où se tient la réunion du Comité International Olympique. La ministre prend le temps de répondre à une interview au journal Péruvien El Comercio. "Mon ambition est de doubler le nombre de médailles Françaises par rapport à Rio", déclare-t-elle. Le calcul est vite fait, et les 42 médailles décrochées à Rio se transforment donc , en arrondissant, en 80 médailles. À l’époque, la championne olympique ne se rend pas compte que ce chiffre va très vite devenir embarrassant, à la fois pour les politiques et pour la communauté sportive.
Le diktat budgétaire. Car non, en l’état actuel des choses et compte tenu de la baisse de ses crédits, le Ministère des sports ne pourra pas tenir cet engagement. Pour Bernard Amsallem, vice-président du Comité national et olympique sportif français, il faut dégager davantage de moyens et faire pression sur Bercy qui dicte sa loi aux décideurs. "Qui dirige la France aujourd'hui ? Est-ce que ce sont les politiques pour lesquels les Français ont voté ou des administrateurs de haut rang, derrière leur écran et dans leur bureau, qui sont hors sol et ne connaissent pas bien la réalité du terrain", interroge-t-il. "Aujourd'hui, Bercy tient tout, il y a des gens très compétents […], sauf que la décision doit être politique et il faut savoir la prendre à un moment donné. Moi, ce que je demande, c'est que les hommes politiques reprennent le pouvoir", martèle-t-il.
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Si les Etats-Unis dépassent sans problème la barre des 80 médailles à chaque olympiade, il faut dire que les structures y sont totalement différentes et, surtout, le réservoir de sportifs bien plus important, avec un pays de plus de 300 millions d’habitants où le sport a été érigé au rang d'art de vivre. À une échelle plus proche de la nôtre, la Grande-Bretagne a pu doubler son nombre de médailles lors des JO de Londres. Entre Athènes 2004 et Londres 2012, elle est ainsi passé de 30 à 65 médailles. Mais le prix à payer a été conséquent, puisqu'il a fallu multiplier par cinq le budget prévu, avec pour seul critère l'obtention de résultats. Les fédérations porteuses ont été maintenues, et les autres sciemment sacrifiées. Le basket, le handball, le volley ont perdu tous leurs financements, comme le sport amateur et le sport loisir, pas assez performants et donc pas rentables aux yeux des organisateurs.
La science au secours de la performance. Mais côté Français, rien n'est encore perdu, et de nombreux cerveaux réfléchissent déjà au moyen d’aller chercher ce petit plus technologique qui pourrait nous faire gagner une médaille supplémentaire. Onze grandes écoles, dont Polytechnique et le CNRS, ont lancé au début du mois de septembre le projet "Sciences 2024" pour aider les athlètes français à améliorer leurs performances. La position des nageurs dans l'eau est-elle idéale ? Les archers lâchent-ils leur flèche au bon moment ? Un titre olympique se joue parfois à un minuscule détail, et c'est précisément ce grain de sable que veulent aller chercher les scientifiques du projet.
"On ne peut aider que sur les détails, mais on remarque, par exemple, en aviron, que des nations veulent des coques les plus lisses possible et d'autres veulent des coques un peu rugueuses", explique-t-il auprès d'Europe 1 Christophe Clanet. "Sur ce genre de question, on a tous les paramètres pour savoir scientifiquement quel type de coque va minimiser la friction", assure-t-il. "Rentrer dans cette caisse à outils pour essayer de repousser les limites de la performance est un projet extrêmement stimulant."
Il s'agit d'un projet d'une ampleur inédite. D'ici 2024, plus de 100 projets de recherche et 400 projets d'étudiants vont être mis sur pied. Les chercheurs vont se rendre dans les différentes fédérations. Au total, 54 disciplines seront décortiquées par les scientifiques pour tenter de faire monter les athlètes français sur les plus hautes marches des podiums olympiques.
Le rêve de la génération de demain. Aujourd'hui, ces champions de demain n'ont qu'une dizaine d'années, parfois un peu plus. C'est le cas de Prithika Pavade, 14 ans, médaille de bronze au championnat d'Europe de tennis de table et vainqueur du Top 10 européen. À son âge, elle n'a que faire des querelles budgétaires. Cette pongiste ne pense qu'à une chose : devenir championne olympique en 2024. "Ce serait un truc de dingue, un exploit", s'enthousiasme-t-elle. "Il faut travailler, et on verra bien si mon rêve se réalise. Mais ça reste dans un coin de ma tête."