De véritables scènes de guérilla urbaine, 25 interpellations et "des centaines de milliers d'euros de dégâts" : quatre jours après le coup de force des supporters au centre d'entraînement, samedi après-midi, l'OM semble plus que jamais enfoncé dans la crise. Sur le plan sportif, l'avenir s'annonce incertain après la mise à pied du coach, André Villas-Boas. Mais c'est surtout la profondeur de la fracture entre la direction du club et ses fans qui inquiète. Un fossé exacerbé à Marseille mais qui n'est pas propre à la cité phocéenne, décrypte sur Europe 1 Ludovic Lestrelin, enseignant chercheur en Sciences Sociales et Sports à l’Université de Caen-Normandie.
L'OM, "un fait social, culturel, et politique extrêmement important"
Certes, le football représente "plus que du sport à Marseille" où l'OM est "un fait social, culturel et politique extrêmement important", pose Ludovic Lestrelin, expliquant ainsi les "proportions" prises par la crise. "Derrière les groupes ultras, il y a un mécontentement qui touche une base de supporters extrêmement élargie", estime-t-il. Mais ce mécontentement ne doit, selon lui, ni être réduit à une "conjoncture sportive" - les résultats décevants du club, 9ème de Ligue 1 et éliminé de la Ligue des Champions -, ni être vu comme un problème propre à l'OM.
"Il y a des spécificités marseillaises, mais c'est aussi un phénomène qui renvoie à une réalité plus large", explique le chercheur. "Le fond du problème, c'est que le football professionnel français traverse des mutations, des transformations importantes et rapides. Du coup, cela déstabilise une large partie du public traditionnel du football."
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"Une question de respect du club, de son histoire, de son passé"
Car, selon Ludovic Lestrelin, "la passion pour le football est aussi un rapport au passé et un rapport à l'enfance", avec des supporters très attachés aux racines de leur équipe. Résultat : à Marseille et ailleurs, "la difficulté pour les clubs, c'est à la fois d'être en capacité de se développer, de s'adapter en permanence à une compétition sportive qui est aussi une compétition économique féroce en France et à l'échelle européenne, mais d'être fidèle à une identité et à un passé."
Pour le chercheur, le ressentiment des supporters vient donc principalement "du fait le football semble uniquement envisagé sous un prisme purement économique et financier", avec "des investisseurs dont on ne sait pas très bien toujours ce qu'ils viennent faire dans le football et l'impression qu'ils viennent dénaturer un club". Et de citer l'exemple de Bernard Tapie, populaire dirigeant de l'OM dans les années 1980. "Il n'est pas Marseillais, il est de Paris, et ça ne l'empêche pas, finalement, d'être aujourd'hui complètement adulé. (…) Ce n'est pas une question géographique. C'est une question de compétence footballistique, de respect du club, de son histoire, de son passé et aussi de respect du public."
Des joueurs cadres pour désamorcer la crise ?
Dans ce contexte, les figures du club qui ont encore ce respect peuvent jouer un rôle important dans le désamorçage de la crise, selon Ludovic Lestrelin. "Je pense à des joueurs cadres, qui ont de l'ancienneté et qui sont respectés par le public", glisse-t-il, citant notamment l'exemple de Steve Mandanda, le capitaine de l'OM. Selon les informations d'Europe 1, Basile Boli, ancienne légende du club, a également été appelée à la rescousse par les dirigeants phocéens pour jouer un rôle de médiateur avec les supporters.