Mercredi soir, le Tottenham d’Hugo Lloris a fait chuter le Chelsea de N’Golo Kanté (2-0), pour le dernier match de la période du "boxing day" en Premier League. Olivier Giroud, lui, a fait le tour du monde avec son incroyable but inscrit avec Arsenal contre Crystal Palace, le 1er janvier dernier. Dans l’ombre de ces figures incontournables, d’autres "Frenchies" sont loin d’être à la fête. Plusieurs internationaux tricolores, comme Mamadou Sakho (Liverpool), Morgan Schneiderlin (Manchester United) et Mathieu Debuchy (Arsenal), ne jouent quasiment plus. Le phénomène touche également les Français expatriés dans des clubs de second rang, capables d'offrir des salaires très élevés depuis l'explosion des droits télé.
Les clubs anglais toujours plus riches. La Premier League a accentué cette année son statut de championnat le plus riche au monde, notamment grâce aux droits télé, dont le montant s'élève à près de 7 milliards d’euros sur 3 ans (2016-2019). Cette manne profite profite à tous les clubs, et pas uniquement aux plus puissants. "La Premier League est le championnat le plus égalitaire dans les cinq grands championnats européens (Allemagne, Angleterre, Espagne, Italie, France). Les petits clubs ont des ressources financières incomparables par rapport aux autres petits clubs européens", constate Jean-Pascal Gayant, économiste du sport à l’Université du Mans.
Et les jeunes talents français de traverser la Manche en nombre. Bournemouth, modeste 16ème la saison dernière, n’a ainsi eu aucun mal à acheter cet été le jeune attaquant du Havre Lys Mousset contre près de 7 millions d’euros. Autre exemple : le départ du milieu de terrain de Rennes Abdoulaye Doucouré à Watford (13ème l’an dernier) contre près de 10 millions d’euros.
Abdoulaye Doucouré a du mal à se faire une place dans l'effectif de Watford. (Photo AFP)
Des effectifs très étoffés. Les clubs anglais ont désormais la possibilité de verser des salaires moyens nettement plus élevés que dans le reste de l’Europe. "Tous les salaires sont de plus en plus élevés, ce qui permet d’accroître clairement l’attractivité des clubs anglais. Il y a un afflux de très bons joueurs", poursuit Jean-Pascal Gayant. Les joueurs français se trouvent désormais en concurrence avec des joueurs de niveau international dans tous les clubs, y compris dans les écuries modestes de Premier League. Et leur temps de jeu s'en ressent.
A Watford, Abdoulaye Doucouré est par exemple en concurrence avec Etienne Capoue, passé en équipe de France, avec le Suisse Valon Behrami ou encore l’Algérien Adlène Guedioura. L’ancien milieu de terrain de Rennes, souvent titulaire en Ligue 1 avec le club breton, n’a ainsi disputé que 186 minutes cette saison. Le constat est encore plus sombre pour Lys Mousset, qui n'a foulé les pelouses de Premier League que 23 petites minutes.
Le départ, solution (très) coûteuse. Avec un temps de jeu aussi réduit, la solution passe peut-être pour les joueurs par un départ au mercato d’hiver. Sauf que rien n’oblige les clubs anglais à s'en séparer. "Maintenant il y a un gouffre en termes de puissance financière. Les joueurs français partent pour un gros salaire et c’est donc très difficile pour les clubs de Ligue 1 de les faire revenir", explique Vincent Chaudel, économiste du sport chez Wavestone. Un joueur comme Morgan Schneiderlin, remplaçant à Manchester United, est ainsi estimé à une trentaine de millions d’euros, un tarif inabordable pour la plupart des clubs européens… sauf ceux de Premier League.
"Le foot anglais est la NBA du football, et ça ne devrait pas changer du jour au lendemain", appuie Vincent Chaudel. Les "Frenchies" vont donc devoir continuer à se battre pour se faire une place en Premier League dans les années à venir. A moins qu’ils ne choisissent, comme Bafétimbi Gomis ou Florian Thauvin, de revenir en Ligue 1 pour se relancer et jouer (beaucoup) plus.