ENQUÊTE - Le club parisien a lancé un concours avec l'École polytechnique pour engager un mathématicien, capable à partir des statistiques des joueurs, d'établir les meilleurs choix pour chaque situation.
L'analyse des données pourrait bientôt devenir un enjeu majeur pour tous les grands clubs européens. Preuve de cet intérêt pour les statistiques, le Paris-Saint-Germain lance un concours avec l'École polytechnique pour dénicher un crack des mathématiques, qui pourrait venir renforcer le staff de l'entraîneur parisien Thomas Tuchel. Déjà plus de 3.000 candidatures ont été reçues, dont certaines issues des plus grandes universités du monde.
Tout part d'un constat simple : aujourd'hui, l'intelligence artificielle est déjà utilisée partout, du smartphone au micro-onde, et nous aide au quotidien. Mais le football, lui, semble être passé à côté. Le PSG commence donc à s'y intéresser.
Chaque geste calculé
Dans ce concours, les candidats doivent tout simplement prévoir l'avenir. Chaque candidat a accès à la vidéo d'un match, par exemple du PSG. Au bout de 15 minutes, la vidéo s'arrête, et c'est Kyllian Mbappé qui a le ballon. Les candidats doivent alors être capables de dire quel sera le prochain geste de l'attaquant français. Pour cela, ils calculent des probabilités à partir de milliers de données sur Kyllian Mbappé depuis le début de saison : son nombre de passes, à qui il donne le ballon majoritairement, vers quelle zone de jeu, ses dribbles, ses accélérations… À partir de ces données, les candidats doivent créer une formule mathématique, un algorithme capable de dire ce qui a le plus de chance d'arriver.
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L'objectif est de dénicher le génie des maths qui saura faire parler un maximum ces milliers de données existantes, véritable mine d'or encore largement sous-exploitée. "On collecte énormément de données aujourd'hui, et je pense que l'on en tire peut-être 20% ou 25%", estime Mathieu Lacome, responsable de la cellule performance sportive du PSG, au micro d'Europe 1. "Maintenant, du fait de la complexité des données, des différentes sources, et de leur volumétrie, il faut une vraie expertise pour pouvoir en tirer les 75% d'informations restant", considère-t-il.
Un soutien pour l'entraîneur, pas un remplaçant
À l'avenir, c'est surtout pendant le match que l'intelligence artificielle doit être la plus utile, en soutien de l'entraîneur. "Imaginez, pendant un match, il reste dix minutes à jouer et vous êtes mené 1-0. Quel est le changement optimal à faire ? Il existe une théorie mathématique qui permet de le dire", indique Mathieu Rosenbaum, professeur de mathématique appliquée dans son laboratoire à l'école polytechnique. C'est lui, avec deux de ses doctorants passionnés de foot, qui a rédigé l'énoncé du concours. "On a envie de trouver quelqu'un qui puisse nous aider à faire ces choses-là, non pas pour remplacer l'entraîneur, mais pour construire un outil d'aide à la décision, et pour peut-être donner des signaux aux entraîneurs qui leur permettront d'améliorer leurs performances", avance-t-il.
Aujourd'hui, de grands clubs, anglais et espagnols principalement, utilisent déjà l'analyse des données. Le FC Barcelone fait figure de pionnier, puisqu'il s'y est mis avant tout le monde, il y a une dizaine d'années. En France, ça démarre tout juste. Si Rennes s'y intéresse, c'est clairement le PSG qui investit le plus d'argent. Grâce à des capteurs GPS portés par les joueurs, les analystes du club de la capitale peuvent savoir si un joueur a une foulée déséquilibrée. Revient alors au staff médical de la rectifier pour éviter des blessures.
Et la magie du football dans tout ça ?
Mais que les sceptiques se rassurent : l'esprit du foot n'est pas dénaturé. Il y aura toujours des surprises en Coupe de France, toujours un petit Poucet pour battre un club de Ligue 1. L'intelligence artificielle ne pourra pas tout prévoir. Souvenez-vous du plus beau but de la Coupe du monde cet été : la reprise de volée signée Benjamin Pavard en huitième de finale contre l'Argentine. Par curiosité, Mathieu Rosenbaum a modélisé approximativement l'action. Selon l'intelligence artificielle, Benjamin Pavard avait à peine 8% de chance de marquer. Pourtant, il l'a fait. La magie du football ? Sûrement. Et ça, même les pontes de polytechniques le reconnaissent : ça ne disparaîtra jamais.