"Je savais que si j'entraînais de grands clubs, comme le Bayern Munich, cela arriverait." Pep Guardiola a admis, mardi, en conférence de presse, qu'il s'attendait à des retrouvailles avec le FC Barcelone, club avec lequel il a tout connu : ramasseur de balles, joueur, capitaine, entraîneur de la réserve. Mais il en a été surtout l'entraîneur entre 2008 et 2012, pour ce qui est déjà considéré comme l'un des âges d'or du club catalan.
A peine trois ans après son départ, et à quelques heures d'une explosive demi-finale entre le Barça et le Bayern, mercredi soir, en Ligue des champions, que reste-t-il aujourd'hui du passage de Guardiola à la tête du Barça ?
Une armoire à trophées bien garnie. Championnat d'Espagne (trois fois), Coupe du Roi (deux fois), Supercoupe d'Espagne (trois fois), Ligue des champions (deux fois), Coupe du monde des clubs (deux fois), Supercoupe d'Europe (deux fois). En quatre saisons à la tête de l'équipe première du Barça, Pep Guardiola a remporté 14 trophées. Et c'est peut-être ça, le premier des ses héritages. Il a fait du Barça une machine à gagner.
Il était de l'équipe qui a remporté la première C1 de l'histoire du club, en 1992. Il en a ajouté deux au palmarès du club en tant qu'entraîneur, en 2009 et 2011. Mieux que quiconque, il symbolise la grande aventure européenne du Barça. Mais, mercredi, promis, il ne sera pas dans la posture de l'icône. "Je ne suis pas ici pour recevoir un hommage, je suis ici pour emmener le Bayern en finale", a-t-il insisté. Luis Enrique, qui fut son coéquipier au Barça entre 1996 et 2001, a repris le flambeau de l'ambition. Comme son glorieux modèle, lui aussi est en lice cette année pour un triplé Championnat-Coupe du Roi-Ligue des champions, un exploit que Guardiola a réalisé en 2009. C'était lors de sa première saison sur le banc des Blaugrana, comme c'est le cas aujourd'hui pour Luis Enrique...
Un style de jeu basé sur l'offensive. Autant que les titres, c'est le style de jeu imposé par Guardiola qui a marqué son passage en tant que coach. Le style Guardiola, c'est quoi ? D'abord la possession du ballon, pour porter le danger chez l'adversaire, le redoublement des passes, pour le faire plier, et le pressing très haut, pour l'empêcher de respirer. Cette tactique de l'étouffement a d'ailleurs fini par ennuyer, les adversaires mais aussi le public. Mais Guardiola ne s'en est jamais départi. Et le Barça non plus ? "Personne n'a privé le Barça de la possession (en C1 cette saison) parce que c'est une équipe faite et imaginée pour ça", a confié "Pep", qui a "catalanisé" le Bayern, avec l'arrivée de Thiago Alcantara (son frère Rafinha joue au Barça) ou le replacement d'un latéral au milieu (Lahm). "Nous aussi, en Allemagne ou en Ligue des champions, nous avons la possession pour nous mais demain (mercredi), ce sera beaucoup plus compliqué. Nous allons suivre le même chemin malgré tout."
Si aujourd'hui le Barça continue de mettre le pied sur le ballon, comme à l'époque de Guardiola, il a néanmoins diversifié son arsenal avec la présence dans ses rangs d'Ivan Rakitic, de Neymar et Luis Suarez. Le milieu croate offre un éventail de passes encore plus large, notamment dans la profondeur, Neymar apporte un grain de folie sur le côté gauche. Quant à Luis Suarez, placé en pointe, il est le pendant idéal de Lionel Messi par son côté "tueur de surface".
La nouvelle dimension de "Leo" Messi. Avant l'arrivée de Guardiola à la tête du Barça, Messi était un joueur (presque) comme les autres. Quatorze buts en Liga 2006-07, 10 la saison suivante, il a ensuite passé la surmultipliée : 23 buts en 2008-09, 34 en 2009-10, 31 en 2010-11 et 50, son record, en 2011-12 ! Troisième du classement du Ballon d'Or en 2007, deuxième en 2008, "La Pulga" a remporté les quatre éditions suivantes. C'est incontestable : Guardiola a fait passer Messi dans une autre dimension, en le positionnant avant-centre et en lui garantissant la primauté sur tous les autres attaquants, Thierry Henry ou Zlatan Ibrahimovic y compris.
"Avec Guardiola, au-delà des titres, le plus important est que j'ai grandi et beaucoup appris", a convenu Messi, mardi, au micro des radios et télés. "C'est un entraîneur qui étudie tout et ne laisse rien au hasard. Depuis qu'il est parti, nous n'avons pas plus de relations que ça." Messi-Guardiola, Guardiola-Messi, les deux se sont fait grandir mutuellement. Mais aujourd'hui, ils sont tous les deux passés à autre chose, à commencer par Messi, au rôle redéfini par Luis Enrique. Avec Suarez, le quadruple Ballon d'Or joue dans un autre registre, sur le côté droit, mais marque toujours autant. Il en est à 51 buts cette saison toutes compétitions confondues.
Une certaine idée de l'élégance. Durant son passage au Barça, Guardiola a incarné une certaine idée de l'élégance. Dans le jeu produit, tout d'abord, à 100% dirigé sur l'attaque et constamment "au bord du gouffre", comme le dit fort joliment le journaliste Thibaud Leplat, auteur d'un ouvrage remarquable sur le technicien catalan, ses modèles (dont Marcelo Bielsa) et ses obsessions. Dans le comportement sur et en dehors du terrain, aussi. Au plus fort de la rivalité avec le Real Madrid de José Mourinho, jamais Guardiola n'a ainsi cédé à l'invective verbale, ou alors à fleurets mouchetés. "Pep" avait conscience de représenter lui-même, mais aussi l'institution Barça et peut-être même le football. Dans un style peut-être moins raffiné certes, mais tout aussi volontaire, Luis Enrique s'inscrit dans les pas de son illustre devancier. Mais, mercredi, son parcours, brillant jusque-là, le mènera face à lui...