Racisme et boycott diplomatique : nuages sur le Mondial russe

Le stade de Saint-Pétersbourg a été le théâtre de cris racistes contre Dembélé et Pogba, mardi soir. © Kirill KUDRYAVTSEV / AFP
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avec AFP , modifié à

À moins de trois mois du Mondial, les nuages s’accumulent au-dessus du pays hôte, entre racisme dans les stades et boycott diplomatique après l’affaire Skripal.

Si le match amical entre la Russie et la France devait servir de publicité pour le pays hôte du Mondial 2018, c’est raté à tous les points de vue. Mardi soir, la "Sbornaya", le surnom de la sélection russe, a confirmé ses difficultés actuelles en s’inclinant 3 à 1 après une prestation moyenne, voire carrément désespérante par instants. Mais surtout, le stade de Saint-Pétersbourg, où avait lieu la rencontre, a été le théâtre de cris racistes contre deux joueurs de l'équipe de France, Ousmane Dembélé et Paul Pogba, un mal récurrent en Russie. Par ailleurs, plusieurs pays ont annoncé il y a quelques jours un boycott diplomatique du Mondial après l’affaire Skripal, l’ex-agent russe empoisonné en Grande-Bretagne. Ça fait désordre à moins de trois mois du début de la compétition, érigée comme un symbole par le président Vladimir Poutine.

  • Le spectre du racisme

Le hooliganisme, apparu au grand jour lors des violents débordements à Marseille en marge de Russie-Angleterre lors de l’Euro 2016, n’est pas le seul fléau à gangrener le foot russe. Les cris de singe contre Ousmane Dembélé et Paul Pogba, mardi soir à Saint-Pétersbourg, sont venus le rappeler. Depuis des années, de nombreux incidents racistes ont impliqué en Russie des clubs locaux, que ce soit sur la scène nationale ou européenne. Plusieurs joueurs étrangers, comme l’attaquant brésilien Hulk, star du Zénith Saint-Pétersbourg aujourd’hui partie en Chine, ont déploré les fréquents débordements racistes dans les stades russes. En décembre dernier, des cris de singe ont été entendus lors d’un match du Spartak Moscou en Youth League (la Ligue des champions des jeunes) contre Liverpool, et un jeune joueur du club a même été accusé de comportement raciste.

Les autorités russes, accusées de minimiser le problème, ont désigné l’ancien joueur Alexeï Smertine, passé par Bordeaux et Chelsea, pour éradiquer le racisme avant le Mondial. La première réaction de la Fédération russe de football, après les cris de singes contre Dembélé et Pogba, ne traduit pourtant pas un grand volontarisme en la matière. "Nos services n'ont rien entendu ou constaté de la sorte. Mais si nécessaire, nous sommes prêts à étudier cet épisode", a déclaré un responsable de la Fédération russe. Espérons que si ces actes se reproduisent pendant le Mondial, la Fédération russe retrouvera l’ouïe…

  • Affaire Skripal et boycotts diplomatiques

Ce Mondial 2018 ne sera pas qu’une affaire sportive. La compétition a été érigée en priorité absolue par Vladimir Poutine, qui y voit une vitrine idéale pour son pays à l’international. Sauf que les récents événements intervenus sur la scène diplomatique pourraient bien mettre à mal les projets du tout puissant président russe, tout juste réélu. Les pays occidentaux ont en effet engagé un bras de fer avec la Russie dans la foulée de l’affaire Skripal, du nom de l’ex-espion russe empoisonné à Londres, affaire dans laquelle la Grande-Bretagne accuse Moscou.

En représailles, Theresa May, la Première ministre britannique, a indiqué qu’aucun officiel (ministre ou membre de la famille royale) ne se rendrait au Mondial. L’Islande a également annoncé un boycott diplomatique, alors que le Premier ministre polonais, Andrzej Duda, sera lui absent de la cérémonie d’ouverture de la compétition, le 14 juin prochain, en soutien aux Britanniques. Aucun pays ne devrait en revanche boycotter sportivement le Mondial, comme ce fut le cas lors des JO de Moscou en 1980, quand de nombreux pays du bloc occidental avaient refusé de participer pour protester contre l’invasion soviétique en Afghanistan.

  • Une équipe nationale aux abois

La Russie n’a même pas le terrain pour sourire un peu. L’équipe nationale enchaîne les contre-performances, avec cinq matches consécutifs sans victoire en amical, dont celle vendredi dernier contre le Brésil (3-0), puis celle de mardi contre la France (3-1). Plus que les résultats, la qualité de jeu inquiète ses supporters. La Russie ne dispose en effet d’aucune star dans son effectif, et devra se passer de trois de ses cadres pour le Mondial, dont son meilleur attaquant, Alexander Kokorin, blessé aux ligaments croisés du genou droit. Les principaux espoirs offensifs reposent sur un quasi-inconnu de 28 ans, Fedor Smolov, l’avant centre de Krasnodar (12 buts en 30 sélections), buteur mardi soir contre les Bleus.

À quelques semaines de "son" Mondial, la Russie n’a pas de raison de se montrer optimiste pour sa sélection, seulement 63e mondial au classement Fifa (seule l’Arabie Saoudite est moins bien classé parmi les 32 qualifiés). Mais heureusement pour elle, la "Sbornaya" a hérité d’un premier tour abordable avec l’Uruguay, grande favorite de la poule, et les plus modestes Égypte et Arabie Saoudite. Une élimination au premier tour, comme à l’Euro 2016 et à la Coupe des confédérations, l’an dernier, constituerait une énorme contre-performance. Même si la Russie n’a jamais réussi à se qualifier pour les huitièmes de finale d’un Mondial depuis la disparition de l’URSS…