Il y avait Angel Di Maria, qui célèbre ses buts d'un coeur avec ses doigts. Il y a maintenant Novak Djokovic, qui a fêté sa première victoire à Roland-Garros, dimanche, en dessinant un coeur avec sa raquette sur la terre battue… Sauf que ce geste-là a déjà été réalisé - et popularisé - par quelqu'un. En 2001, le Brésilien Gustavo Kuerten avait célébré ainsi sa troisième victoire Porte d'Auteuil. "J'ai fait la vidéo avec Peugeot (sponsor du tournoi et de Djokovic, ndlr) pour l'ouverture du tournoi (Road to roland-Garros, ndlr) avec 'Guga' au volant", a expliqué Djokovic, tout sourire, en conférence de presse. "Sa célébration en 2001 a été l'une des scènes les plus émouvantes pour moi et je lui avais demandé la permission de la reproduire." Plus un clin d'oeil qu'une redite, donc, d'autant que le Brésilien était dans les gradins.
Djokovic dessine un coeur avec sa raquette :
"Nole, Nole, Nole !" Ce geste signifiait bien plus qu'un hommage à Kuerten pour Djokovic. Il semblait symboliser la nouvelle relation qui s'est installée entre lui et le public français. "Tellement de choses me sont arrivées par le passé ici", a convenu celui qui avait perdu trois finales (2012, 2014 et 2015) Porte d'Auteuil avant de l'emporter dimanche. "Cette année, les relations avec le public étaient bien différentes, avec la sécurité, les ramasseurs de balle… J'ai bénéficié d'un sacré soutien aujourd'hui (dimanche)." Dès l'entrée des joueurs, la différence a sauté aux oreilles. Si Murray a recueilli des applaudissements nourris mais polis, Djokovic a lui déclenché une vibrante ovation. La tendance s'est confirmée pendant la rencontre, avec des "Nole, Nole, Nole !" descendant des gradins.
Trois raisons principales à cela : la présence massive de supporters serbes dans les gradins, l'envie du public d'assister à une partie d'histoire (Djokovic est devenu dimanche le cinquième joueur de l'ère Open à remporter les quatre tournois du Grand Chelem) et celle de voir le "loser" enfin l'emporter. Car, au pays de Poulidor, on a toujours aimé les outsiders, les perdants magnifiques. Et, à Roland, jusqu'à dimanche, Djokovic le cannibale était bel et bien celui qui perdait à la fin.
La défaite face à Wawrinka, un tournant. Le Serbe a confirmé que la relation avec le public français avait pris corps l'an dernier, lors de la remise des trophées suivant sa défaite en finale contre Stan Wawrinka. En larmes, il avait été chaleureusement applaudi pendant un long moment. "Il s'est passé quelque chose de fort avec le public français, à cet instant-là", a reconnu Djokovic. "J'avais perdu contre un meilleur joueur mais l'ovation qui a suivi m'a marqué. Et c'est à ce moment-là que ma relation avec le public a atteint un autre niveau." Le n°1 mondial, qui sait qu'avec le duo Federer-Nadal, il reste peu de place dans le coeur des gens, n'a eu de cesse cette année d'entretenir sa nouvelle popularité à grands renforts de mises en scène avec les ramasseurs ou les arbitres et de discours en (bon) français. Reste à savoir maintenant si cette relation entre Djokovic et Roland, désormais consommée, va résister à l'épreuve des années…