Tennis : à Orlando, la Coupe Davis joue sa survie

Les fédérations internationales doivent voter jeudi pour décider si, oui ou non, la nouvelle formule de la Coupe Davis s'appliquera dès 2019. © PHILIPPE HUGUEN / AFP
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Thibauld Mathieu

Jeudi en Floride, la Fédération internationale de tennis (ITF) soumet au vote son projet de réforme de la Coupe Davis. Une révolution en vue pour la plus ancienne compétition dans l'histoire de ce sport.

La Coupe Davis vit peut-être ses dernières heures… Du moins telle qu'on la connaît. Si la Fédération internationale de tennis (ITF) fait valider, jeudi à Orlando, sa réforme de la célèbre compétition par équipes, l'épreuve ne se jouerait plus que sur une semaine en novembre, dans une seule ville, quand les joueurs du monde entier s'affrontent actuellement tout au long de l'année pendant quatre week-ends prolongés. Outre le format, qui enterre le principe fondateur d'un tournoi plus que centenaire, une autre compétition, la World Team Cup, devrait aussi (re)voir le jour en 2020. Menaçant, là encore, l'avenir d'une Coupe Davis plus que jamais en danger.

Une refonte indispensable

Une telle volonté de tout chambouler repose essentiellement sur un constat : après l'avoir gagnée, les meilleurs joueurs mondiaux ont tendance à bouder la compétition. C'est le cas, notamment, de Rafael Nadal, Roger Federer ou Novak Djokovic.

Car même si elle exalte les sentiments patriotiques et donne souvent lieu à des ambiances uniques dans le monde feutré de la petite balle jaune, la Coupe Davis nécessite aussi des déplacements lointains, des matches à rallonge, et remplit un calendrier déjà bien chargé. Déjà peu bénéfique en termes de points au classement ATP, le tournoi l'est aussi - et surtout, diront certains - en termes de rémunération…

Un format qui change du tout au tout

Tout change ou presque, donc, dans le format proposé par l'ITF. Outre le calendrier (une semaine en novembre), les matches seraient disputés en deux sets gagnants seulement, contre trois auparavant. Et les rencontres limitées à deux simples et un double, tous soldés en une journée.

 

Côté porte-monnaie, le partenariat conclu avec le groupe d'investissement Kosmos, présidé par le footballeur Gérard Piqué, garantit 20 millions de dollars (soit 17 millions d'euros) aux joueurs participants chaque année, 22 millions de dollars (19 millions d'euros) aux fédérations. De sacrées sommes.

La concurrence de la World Team Cup

Radicale, la réforme n'en est pas moins clivante. Bien au contraire. D'autant plus que l'association des joueurs de tennis professionnels (ATP), rivale de longue date de l'ITF, a officialisé, début juillet, la renaissance de la World Team Cup - une Coupe des nations qui avait été organisée de 1978 à 2012 - à partir de 2020.

Si bien qu'en cas de Coupe Davis revisitée, deux "Coupes du monde" comparables auraient donc lieu… À moins de deux mois d'intervalle. Pour disputer les deux, les joueurs devraient donc raccourcir leurs vacances. Ou, donc, opter pour l'une plutôt que pour l'autre.

Un projet très critiqué

Parmi les fédérations qui comptent, la France a exprimé son appui, arrêté en assemblée générale extraordinaire de la FFT fin juin. Mais plusieurs personnalités du tennis français - notamment des joueurs, à l'image du n°1 français Lucas Pouille - se sont déjà érigés contre cette transformation. "Cette réforme va tuer la Coupe Davis", assénait ainsi, en février dernier, l'ancien capitaine de l'équipe de France Arnaud Clément.

"La fin de la Coupe Davis. Quelle tristesse. Ils ont vendu l'âme d'une épreuve historique. Sorry Mister Davis (créateur de la compétition par équipes en 1900, ndlr)", écrivait pour sa part Yannick Noah sur Twitter.

Les grands noms du tennis australien, de Rod Laver à Lleyton Hewitt, sont tout aussi remontés. "Vous ne pouvez pas appeler ça la Coupe Davis. (...) C'est une transaction financière. Il n'est question que d'argent, pas de représenter son pays, ça n'a aucun sens", a asséné le second, au mois de mars.

Alors que l'ITF a besoin des deux tiers des voix pour entériner sa réforme, l'organisation se veut "confiante" et "optimiste" depuis que Roland-Garros, Wimbledon et l'US Open ont apporté leur soutien. Prudence toutefois : il y a un an, sa volonté de ramener les matches de Coupe Davis à deux sets gagnants avait été repoussée de justesse.

 

Comment se déroule le vote ?

Pour être adoptée, la réforme de la Coupe Davis doit obtenir une majorité des deux tiers des suffrages exprimés. Seules 144 fédérations sont habiliter à donner leur avis, chacune avec un poids différent. Quand le vote de certains pays vaudra une voix, d'autres en pèseront douze. C'est le cas de l'Australie, la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis et de l'Allemagne. Suisses, Espagnols et Argentins en ont neuf, la Serbie et la Croatie sept et la Belgique cinq.

Au total, les 144 pays votants représentent ainsi 459 voix. Si tous les suffrages sont exprimés, le oui l'emportera donc à partir de 306 voix. Le non s'imposera lui dès 154 voix.