Le samedi 12 août, les fans d’athlétisme (et de sport en général) risquent de ressentir comme un vide. Peu avant 23 heures, Usain Bolt, superstar du sprint mondial, aura disputé la dernière course de sa carrière, le relais 4x100 m des Championnats du monde d’athlétisme de Londres. Athlète surpuissant sur la piste et showman fascinant, le roi Bolt manquera au sprint et va laisser des millions d’amateurs orphelins de leur idole. Mais "La Foudre" pourrait bien se trouver un successeur dans la capitale londonienne, en la personne de Wayde Van Niekerk.
LIRE AUSSI >> Mondiaux d'athlétisme 2017 : le calendrier des épreuves
Champion du monde et champion olympique. Encore peu connu du grand public, le Sud-Africain de 25 ans commence à se tailler une sacrée réputation dans le monde du sprint, court comme long. Spécialiste du 200 et du 400 m, Van Niekerk a frappé pour la première fois en 2015 à Pékin, en devenant champion du monde du tour de piste au nez et la barbe des favoris LaShawn Merritt et Kirani James. Un an plus tard, Van Niekerk avait été choisi comme porte-drapeau de l’Afrique du Sud aux JO de Rio. Un statut qu’il assume pleinement en devenant champion olympique du 400 m, avec un incroyable record du monde à la clé, en 43"03 (voir encadré plus bas).
Depuis, Wayde Van Niekerk a travaillé plus en profondeur le 100 et le 200 m, au point de pouvoir rivaliser avec les meilleurs sprinteurs du monde. Une statistique résume le potentiel explosif de Van Niekerk. Cette année, il est devenu le premier homme à courir le 100 m en moins de dix secondes (9"94), le 200 m en moins de 20 secondes (19"84), le 300 m en moins de 31 secondes (30"81, il a battu le record de cette discipline non officielle) et le 400 m en moins de 44 secondes. Une progression qu'il doit en partie à sa coach, Ans Botha… âgée de 75 ans !
" Prendre la relève de Bolt, c'est encore inimaginable. "
Pas d’opposition frontale. Au vu de sa montée en puissance, on pourra regretter que Bolt et Van Niekerk ne croisent pas les pointes directement à Londres. Le premier se limite au 100 m et au relais 4x100 m, tandis que le Sud-Africain tentera le doublé 200 m-400 m, pour égaler la performance de Michael Johnson aux JO d’Atlanta en 1996.
Bolt, Van Niekerk. Les deux hommes se connaissent. Ils s’apprécient même, à voir les images de l’entraînement commun entre les deux hommes en juin dernier. Avant le meeting de Kingston, le dernier du Jamaïcain sur ses terres, Bolt avait accueilli Van Niekerk pour quelques tours de piste. Mais pas question pour eux de se lancer des fleurs non plus. Pendant que Bolt s’alignait sur un 100 m "d’exhibition" (remporté avec un moyen 10"03), le Sud-Africain claquait la meilleure performance mondiale de l’année sur 200 m (19"84, son record personnel), dépassée depuis par le 19"77 du Botswanais Isaac Makwala.
Bolt l’a désigné comme son successeur. Au-delà des performances, l’apparente décontraction et la facilité que dégage Van Niekerk en course rappellent fortement Usain Bolt. Comme "L’éclair", il fait la différence sur la fin de course. Sur 200 et 400 m, il sort souvent du virage au niveau de ses adversaires, avant de les lâcher sans donner l’impression de forcer. Plus petit que Bolt (1,83m contre 1,95m), Van Niekerk évolue néanmoins dans un style très différent, avec des foulées plus petites et plus rapides.
" Si Van Niekerk continue comme ça, il dominera l'athlétisme. "
Usain Bolt ne tarit pas d’éloges sur son collègue. En juin, il estimait d’ailleurs que Van Niekerk pourrait bien être son successeur. "Il a prouvé qu’il était prêt à relever le défi. Il est très terre-à-terre, très humble, c’est quelqu’un de bien. Il écoute et il veut devenir encore meilleur. S’il continue comme ça, il dominera l'athlétisme", a assuré Bolt, triple champion olympique sur 100 et 200 m. Le compliment ferait rougir n’importe qui, mais pas Van Niekerk. "Si je dois être son héritier, ce sera par mes performances, en étant moi-même. Je dois me concentrer d'abord sur mes performances. Alors, prendre la relève de Bolt, c'est encore inimaginable. J'ai du chemin à faire pour me caler dans sa foulée", a tempéré le Sud-Africain, quelques jours avant le début des Mondiaux.
Encore du travail. Pour s’imposer comme la nouvelle figure de proue de l’athlétisme mondial, Wayde Van Niekerk devra encore travailler deux points essentiels. D’abord le 100 m, qui reste la discipline phare du sprint, celle qui fait et défait les rois et les reines de la piste. Ses chronos actuels sont plus qu’encourageants mais il lui faudra sans doute descendre sous les 9"90 pour espérer s’adjuger un jour l’or mondial ou olympique.
Par ailleurs, pour marcher dans les (grands) pas de Bolt, le Sud-Africain devra se créer une image publique. Pour lui succéder, "il faut aussi de la personnalité", reconnaît-il. Usain Bolt était un showman, un as de la communication capable de rallier à lui les foules sur un simple geste en forme d’éclair. Pour l’instant, Van Niekerk est trop réservé pour faire rêver le public, car il a peut-être moins de marge sur ses concurrents et qu’il ne peut se permettre, notamment sur 200 m, de fanfaronner avec le risque d’être battu derrière.
Rêve de triplé. Dans sa conquête de l’athlétisme mondial, Van Niekerk a un avantage sur Bolt : sa polyvalence. "Je sais qu'Usain me respecte pour ce que je fais, ma dextérité sur les distances du 100 au 400 m", a dit le Sud-Africain. Vu sa progression en à peine trois ans, Van Niekerk pourrait bien réaliser un jour le rêve inachevé de Bolt : un triplé 100, 200 m et 400 m dans un grand championnat. Une performance hors norme, jamais vue dans l’histoire du sprint.
Le jour où Van Niekerk a (presque) éclipsé Bolt. C’était aux Jeux Olympiques de Rio, le soir du 14 août 2016. Le stade olympique attend son champion jamaïcain avec impatience. Bolt est en lice dans la finale du 100 m, dernière épreuve de la soirée. Avant l’épreuve reine, les organisateurs ont programmé la finale du 400 m en guise d’amuse-bouche. Au couloir 8, Van Niekerk fait la course en tête de bout en bout et termine loin devant Merrit et James en 43"03. Quinze centièmes de mieux que le record de la légende Michael Johnson, établi en 1999. Le temps de réaliser la portée de l’exploit et le stade explose, conscient d’assister à un moment d’histoire. Ce même frisson que provoquait Bolt dans ses plus grandes heures. Quelques minutes plus tard, le roi du sprint remportera le troisième titre olympique sur 100 m de sa carrière, faisant aussi rugir de plaisir le public. Comme un symbole, les deux champions olympiques posent ensemble devant les flashes de photographes ravis.