Il y a quinze ans, quand les sites de ventes en ligne ont fait leur apparition sur Internet, tout le monde a cru à la disparition de boutiques physiques. Exit les Darty, Fnac et autres Boulanger, le Web allait tout emporter. Mais en 2014, force est de constater qu’en cette période de préparation de Noël, les magasins physiques ne désemplissent pas de clients bien réels. Et pour épauler les vendeurs débordés, Darty a même fait appel à une aide pas comme les autres : des robots humanoïdes. Simple opération marketing ou bien ces machines vont-elles réellement augmenter les ventes de la chaîne de magasin ? Europe 1 est allé à la rencontre d’un de ces robots et apporte des éléments de réponse.
Nao, le robot français de référence. Ça marche quasiment à tous les coups : quand un client passe devant Nao, il s’arrête, curieux de cette voix informatisée mais joviale qui alpague le premier venu. Ce petit robot de 60 cm de haut qui trône sur un stand au coeur du magasin Darty de la place de la République, à Paris, vous l’avez probablement déjà vu quelque part. Développé par l’entreprise parisienne Aldebaran, Nao est le plus célèbre robot français, capable d'interagir avec un humain grâce à son intelligence artificielle, ses deux caméras et ses membres articulés. Dans la boutique Darty, la mission de Nao est assez basique : présenter le système d’ampoules connectées Hue de Philips. Des ampoules nouvelles générations qui, en plus de pouvoir afficher des dizaines de couleurs différentes, peuvent être pilotées à distance via son smartphone.
Prêt à assister les vendeurs de @Darty_Officiel République jusqu’à dimanche ! pic.twitter.com/Ke56WPw3Ly— Nao Robot ()° .°) (@NaoRobot) 4 Décembre 2014
Des scénarios pour “accompagner” les vendeurs… Nao a donc un triple objectif : attirer les clients, leur décrire le principe des ampoules Hue et bien entendu, donner envie de les acheter. Pour cela, les équipes d’Hoomano, une jeune start-up spécialisée dans la programmation de ce type de robots, a intégré trois scénarios dans le “cerveau” de Nao : demande d’une couleur préférée, démonstration des possibilités de changement de couleur ou encore descriptif détaillé des caractéristiques du système connecté. Mais dans le brouhaha de la boutique du quartier République, les clients doivent s’y prendre à plusieurs reprises et même se rapprocher à quelques centimètres du robot pour bien se faire comprendre. Du coup, c’est Mostefa, un vendeur en chair et en os, qui accompagne Nao et complète les phrases préenregistrées du robot auprès des clients intrigués passés par là. Smartphone en main, il fait la démonstration de l’application Hue et semble particulièrement enthousiaste de l’arrivée de son nouveau collègue. Interrogé par Europe 1, le vendeur confie même avoir fait “quelques ventes” grâce à Nao, qui l’a “aidé à démontrer la valeur d’usage” de son produit.
...mais pas pour les remplacer. Inéluctablement, lorsqu’on observe évoluer un telle humanoïde dans un grand magasin comme Darty, se pose la question de savoir si - quand ? - les robots vont remplacer les vendeurs humains. Pour Mostefa, la question ne se pose même pas : “Si je me mets sur ce stand, toute une journée, à tenter de vendre le système Hue, je n’attirerai jamais autant de monde”. Et quand Nao ne peut apporter une réponse à la question d’un client, il pourra (bientôt) envoyer un message sur le téléphone du vendeur le plus proche, qui prendra alors le relais. Nao n’est pas encore capable, techniquement, de remplacer un vendeur humain. Mais c’est surtout son “argumentaire de vente” qui rassure, pour quelques années encore, Mostefa. “Il parait que je ne suis pas trop mauvais pour ça”, sourit le vendeur, sûr de ses capacités.
Une opération de test bientôt renouvelée. Un joli robot rigolo, un vendeur enthousiaste, des clients séduits… Le tout ressemble fort à une opération de communication. Christian Lou, directeur marketing de Darty, refuse ce terme et lui préfère celui de “phase de test”. Malgré tout, il s’agit bien d’un coup que tente ici la vieillissante chaîne de magasins. L’objectif affiché est de “rajeunir l’image de la marque” et “digitaliser” les magasins, c’est-à-dire montrer que Darty ne vend pas que des aspirateurs et des machines à laver. Montant de la facture pour ces trois jours de tests ? Le responsable de la marque refuse de dévoiler le coût de l’opération, qui sera renouvelée fin décembre dans un autre magasin parisien avec de nouvelles fonctionnalités. Mais à l’image de Nescafé, qui a commandé le robot Pepper (grande soeur de Nao, également fabriquée par Aldebaran) pour ses 1.000 boutiques de café, Darty pourrait bien se laisser massivement séduire par les humanoïdes. Quitte à abandonner ses bons vieux vendeurs ?