L'INFO. Pour la première fois dans la jeune histoire d'internet, la justice française vient d'ordonner le blocage de plusieurs sites de streaming. Une bonne nouvelle pour les professionnels du cinéma à l'origine de la plainte, mais une mauvaise nouvelle pour les droits et libertés en ligne, s'agace Jérémie Zimmerman, cofondateur et porte-parole de la Quadrature du Net, une association qui défend les internautes. Interview "coup de gueule".
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Pourquoi cette décision de blocage vous inquiète au plus haut point ?
Parce que c'est la première fois que des sites internet vont être bloqués par des fournisseurs d'accès, au nom de la protection du droit d'auteur, mais sur la base des dispositions extrêmement vagues de la Hadopi. Et cette décision pourrait faire jurisprudence, puisque les ayants-droits vont pouvoir indiquer directement aux fournisseurs d'accès quels portails ils veulent censurer. Parce que c'est bel et bien de la censure. Or la censure n'a jamais été une solution. C'est d'ailleurs la répression (auprès des sites de téléchargements illégaux, NDLR) qui avaient conduit à l'explosion des sites de streaming. De toute façon, ça fait longtemps que les internautes avaient délaissé Allostreaming pour d'autres sites ou pour retourner sur Bittorrent (un logiciel pour télécharger illégalement en quelques clics, NDLR).
Mais vous ne niez pas qu'il y a une crise du cinéma à cause du piratage ?
Il n'y a pas de crise du cinéma ! Ça fait quinze ans qu'on entend pleurer les professionnels du secteur, comme quoi tout va mal. Mais, chaque année, les records du nombre d'entrées sont battus. En 2012, la fréquentation des salles (204 millions d'entrées) était très légèrement en retrait par rapport à 2011 (216 millions) mais on reste un des pays qui affiche les meilleurs résultats d'Europe dans ce domaine. Même le cinéma français se porte très bien (82 millions d'entrées en 2012 soit 40,2% de parts de marché, NDLR). Et aucune étude n'a jamais pu faire le lien entre le déclin de l'industrie musicale et l'augmentation du téléchargement illégal. Il est en revanche prouvé que les internautes qui téléchargent le plus sont ceux qui consomment le plus.
Comment expliquer alors ce combat des associations et fédérations du 7e art contre le piratage ?
La peur du changement, j'imagine. Et un certain besoin de contrôle : si on fait le parallèle avec l'industrie musicale, son rôle n'est pas seulement de vendre des disques mais également de savoir et de dire qui vend et pourquoi. Et ça, le téléchargement illégal ne le permet pas.
Du coup, que proposez-vous de votre côté ?
Arrêtons cette course à l'échalote contre le piratage et le streaming ! Le gouvernement devrait au contraire s'engager à légiférer pour protéger les droits fondamentaux sur internet et entamer une véritable réforme du droit d'auteur.
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