Peut-on réellement couper la connexion Internet d'un pays ?

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AVIS D'EXPERT - La Corée du Nord a été totalement déconnectée durant plusieurs heures. La France peut-elle craindre un tel incident ?

L'affaire du piratage de Sony Pictures n'en finit plus en cette fin d'année. Dernier épisode en date, la Corée du Nord a subi mardi une coupure totale de sa connexion Internet, pendant plusieurs heures. Si Dyn Research, la société à l'origine de cette révélation, a affirmé ne pas connaître les raisons de ces perturbations, les soupçons de représailles américaines après la cyberattaque du studio de cinéma constituent la piste la plus probable. Une attaque de ce type pourrait-elle toucher la France ? Europe 1 a posé la question à Jean-François Beuze, spécialiste en cybercriminalité.

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Comment la Corée du Nord a-t-elle pu être privée d'Internet plusieurs heures durant ?

Jean-François Beuze : C'est un pays un peu à part. Il n'y a que quatre points d'entrée à Internet en Corée du Nord et tous viennent de Chine. On peut donc dresser trois scénarios pour expliquer cette attaque :

> Le pays de Kim Jong-Il a pu connaître une panne informatique, ce qui est peu probable car la connexion a été interrompue d'un coup. En général, lors d'une panne, même d'envergure, la connexion est perdue progressivement.

> Les États-Unis ayant annoncé qu'ils allaient répondre de manière proportionnée à l'attaque de Sony, la Corée du Nord a pu craindre un effondrement de son réseau et couper elle-même sa connexion nationale en prévention. Un scénario également peu probable, mais envisageable.

> L'hypothèse d'une contre-attaque venant directement des États-Unis reste la plus crédible. Mais ce qui est étonnant, c'est que pour y arriver, l'administration de Barack Obama a forcément eu besoin de la coopération de la Chine. Ce qui est assez cocasse car les deux superpuissances sont toujours en froid (Washington avait même renvoyé en 2013 cinq officiers chinois des États-Unis, soupçonnés d'espionnage industriel).

Faut-il s'attendre à une escalade de cyberattaques entre les deux pays ?

J-F. B. : Si le souffle d'attaques de ces derniers jours ne retombe pas très vite, on peut s'attendre au pire en effet. La Chine possède actuellement tous les éléments pour enquêter de manière sereine sur l'origine du piratage de Sony. Elle peut donc s'en servir comme élément de négociation, de manière informelle, avec les États-Unis. D'autant que les relations entre la Corée du Nord et la Chine ont parfois été tendues ces dernières années. En somme, cette attaque est presque une aubaine pour la Chine, diplomatiquement parlant.

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Une telle attaque peut-elle intervenir en France ?

J-F. B. : C'est impossible. Le réseau français est structuré par un maillage très fort, réparti entre les États-Unis, l'Angleterre et aussi depuis quelques temps le Moyen-Orient . Pour faire simple, il faudra pirater globalement ces trois pays pour atteindre de manière conséquente la connexion Internet nationale en France. De manière générale, en dehors de pays aussi isolés que la Corée du Nord, il est quasiment impossible d'interrompre Internet dans tout un pays.

Dans une région, à la rigueur, c'est déjà arrivé : en mai dernier, en Lozère, une pelleteuse a malencontreusement sectionné un câble de fibre optique et privé 2.000 abonnés de connexion plusieurs heures durant. Mais tout est rapidement rentré dans l'ordre. Idem pour les entreprises : au pire, en ciblant une société comme l'opérateur Orange, Internet pourrait sauter quelques heures, pas plus. La France bénéficie actuellement de suffisamment d'éléments d'équipements pour continuer à fonctionner en cas d'attaque majeure.