Derrière "Call of Duty", une "atteinte à l'honneur" ou une réalité historique ? La justice française a examiné mercredi le recours des enfants de l'ex-figure de la rébellion angolaise Jonas Savimbi : ils estiment que le jeu vidéo à succès représente leur père en "barbare".
Demande de retrait du jeu. Avant les hostilités, il y a d'abord eu une "démarche amicale", des réclamations à l'éditeur restées lettres mortes. Aujourd'hui, ils demandent le retrait de la version du jeu incriminée et un million d'euros de dommages et intérêts. Mais "surtout une réhabilitation de l'image" de leur père, a insisté Cheya Savimbi, d'autant plus que cet ingénieur de 42 ans a lui-même été pris dans une rue angolaise pour le personnage du jeu.
Cas exceptionnel. Il s'agit là d'un cas exceptionnel de diffamation dans un jeu vidéo porté devant le tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre : trois enfants Savimbi, installés en région parisienne, ont attaqué la branche française basée à Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine, de l'éditeur américain du jeu de tir à la violence guerrière, Activision Blizzard. "Choqués", ces héritiers ont découvert par hasard un personnage de chef de guerre à l'effigie de leur père dans l'opus "Black Ops II" sorti en 2012. Sauf que, pour eux, "ce n'est pas papa" : le jeu "réduit l'image de papa à celle d'un homme barbare (...) aimant le sang. Mais c'était d'abord un homme politique, cultivé, diplômé de Lausanne", a déclaré Alleluia Savimbi, 38 ans, avant l'audience.
Présentation particulièrement négative. L'avocate des enfants a déploré à l'audience "une présentation particulièrement négative". "Certes, ce fut un chef de guerre, mais parallèlement un leader politique" sur l'échiquier de la Guerre froide, "l'ami de Mandela, Bush, Reagan", a-t-elle plaidé. "Est-ce qu'un jeu peut sans votre autorisation vous représenter dans un scénario imaginaire, avec votre nom" et "voler votre image" ? Pour l'avocate, cette affaire "symbole" pose la question du champ d'application de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, déjà adaptée à internet, mais pas aux jeux-vidéo.
"Oeuvre de fiction". Pour le camp d'en face, "Call of Duty", "oeuvre de fiction", incarne la "liberté d'expression". "C'était un chef de guerre, il n'y a pas de contestation possible, on ne présente rien d'autre qu'une page de l'histoire à laquelle Savimbi a participé", s'est défendu l'avocat d'Activision, avant de contester les "demandes excessives" du clan Savimbi. "La ressemblance (de Cheya) n'a rien à voir avec le jeu mais avec la génétique". Le tribunal rendra sa décision le 24 mars.