"C'est beaucoup plus proche que ce que vous pensez". Chez Uber Elevate, filiale du service de VTC en charge du développement du taxi drone autonome, les équipes sont déjà lancées à plein régime pour remplir un objectif : faire voler les premiers drones taxis commerciaux dès 2023, dans quatre ans. Au CES de Las Vegas, l'entreprise californienne dévoile avec son partenaire Bell un premier prototype de ces engins du futur. "Certains drones volent déjà pour des tests privés. J’ai déjà vu beaucoup de tests à la fois au sol et dans les airs avec différents modèles", confie à Europe 1 Mark Moore, directeur de l'ingénierie d'Uber Elevate et ancien de la Nasa.
Après une période compliquée, et une sérieuse reprise en main par Dara Khosrowshahi, Uber mise gros sur le potentiel de ses drones. "Nous sommes un peu devenus le 'Amazon du transport'. Si vous utilisez notre application vous pouvez faire défiler nos différents services, des berlines aux vans, en passant par Uber X et dans certaines villes vous pouvez même choisir un vélo ! L'idée est d'enrichir encore notre service pour avoir une solution complète", indique Mark Moore.
De nombreux développements en cours
Pour remplir l'ambitieux objectif d'une commercialisation du service en 2023, les équipes d'Elevate planchent d'abord sur le type de drone qui sera utilisé. "Vous pouvez l’appeler drone taxi. En réalité, c’est un nouveau type d’avion entièrement électrique qui va décoller et atterrir à la verticale et qui pourra transporter de quatre à cinq passagers dans les villes. Au départ, il aura un pilote, mais à terme nous voulons passer à des drones totalement autonomes", précise-t-il. Uber n'étant pas plus un constructeur d'avions que de voitures, le service travaille avec cinq partenaires dont Bell qui présente à l'occasion du CES de Las Vegas son premier prototype.
Tout a été pensé pour un usage commercial, notamment la sécurité. Car ce nouveau mode de transport doit être plus sûr, plus efficace et plus rapide que l'hélicoptère, s'engage-t-on chez Uber. Le modèle de Bell a par exemple été équipé de six grosses hélices autonomes et d'un système de redistribution électrique permettant de continuer à voler si une des hélices tombe en panne et s'arrête. "vous pourrez continuer à voler en toute sécurité", assure l'ingénieur qui travaille au développement de ce type d'aéronef depuis plus de 30 ans.
Préparer l'espace aérien
En plus du développement des drones, partie émergée de l'iceberg, les équipes d'Elevate - dont le nombre d'employés est tenu secret, mais a été multiplié par quatre l'an dernier -, travaillent avec les régulateurs et l'aviation civile pour prévoir les logiciels qui permettront à ces drones de prendre leur envol dans quatre ans. "Il y a beaucoup de paramètres qu'il ne faut pas négliger : comme l’infrastructure et les héliports où ces appareils se poseront et décolleront. Pour cela nous travaillons avec des entreprises du bâtiment. Il y a aussi le contrôle aérien avec qui nous sommes en contact pour développer le système qui permettra de gérer ces drones. Enfin, la dernière chose, ce sont les batteries. Nous développons un tout nouveau système très avancé qui doit nous permettre d’avoir un appareil tout électrique", nous explique Mark Moore.
Ces drones décolleront et atterriront à des points précis. Lorsqu'un utilisateur commandera un "Elevate" dans l'application Uber il sera transporté en voiture (ou invité à se rendre à pied si c'est possible) jusqu'à l'héliport de départ. Une voiture l'attendra à son arrivée pour lui permettre de rejoindre sa destination finale. "Il est très difficile de faire correspondre les utilisateurs qui vont se retrouver dans le même drone et d’éviter les conflits entre les différents vols en étant sûr que tous les appareils arrivent bien au bon endroit", concède l'ingénieur.
Dallas et Los Angeles pour débuter, la France ensuite ?
Après les premiers tests privés actuellement en cours, Uber prévoit de lancer des tests au-dessus des villes en 2020. Deux des premières métropoles concernées ont déjà été annoncées aux États-Unis : Dallas et Los Angeles. Toutes deux ont été sélectionnées pour leur saturation et leur taille qui rendent la circulation difficile par la route. Une troisième ville, internationale, sera choisie dans les prochains mois. Les dossiers de cinq pays sont actuellement étudiés, dont celui de la France. Les critères de choix sont très précis : 37 points différents sont examinés parmi lesquels la météo, le niveau de congestion de la ville ou encore les espaces disponibles pour faire décoller et atterrir les drones. "Une ville comme Los Angeles est parfaite puisque quand vous essayez d’aller de l’aéroport au centre-ville en voiture à l'heure de pointe il faut 1h20. Avec notre service on pourra le faire en moins de 12 minutes", assure Mark Moore.
Avec ce type de drones, Uber pourra se passer des chauffeurs auxquels il est aujourd'hui obligé de verser une grande partie du prix du trajet et pourra donc gagner plus d'argent. "Les pilotes sont une incertitude. Aujourd’hui, dans le transport de passagers en avion, la majorité des accidents viennent d’erreurs de pilotage. Nous nous dirigeons vers un monde où l’on va supprimer les conducteurs, à la fois au sol et dans les airs, pour avoir des trajets complètement autonomes", se défend l'ancien de la Nasa qui assure être avant tout intéressé par l'impact écologique limité de ce mode de transport et la possibilité de faciliter les déplacements des utilisateurs.
Un prix comparable à un Uber X
Reste qu'à son lancement le service sera réservé à certains clients fortunés. Même si l'équipe d'Elevate prévoit des prix inférieurs de 30 à 40% à ceux d'un trajet en hélicoptère, il sera nécessaire de débourser 5,7 dollars (4,99 euros) par kilomètre, soit environ 125 euros pour un trajet Paris centre - Roissy Charles de Gaulle. L'équipe espère cependant faire baisser ce prix rapidement. "Une fois que nous aurons démontré que tout fonctionne parfaitement nous pourrons augmenter l’utilisation de nos drones de 300 heures par an à 2.000. Nous pourrons aussi y mettre plus de passagers, de deux au départ à trois ou quatre. Grâce à cela, nous arriverons à un tarif de 1,11 dollar (0,97 euro) par kilomètre ce qui est similaire à un Uber X aujourd’hui".
Est-ce à dire que les habitants des grandes villes doivent se préparer à vivre avec de "grosses abeilles" volant au-dessus de leur tête toute la journée ? Probablement. Mais l'équipe d'Elevate n'y voit pas un problème. "Si vous pensez aux oiseaux, nous n'avons pas peur lorsqu’ils volent au-dessus de nous et il y en a plus d’un milliard au-dessus des États-Unis", relativise Mark Moore avant d'assurer qu'une fois que la technologie aura fait ses preuves, tant par son efficacité que sa sécurité, les utilisateurs oublieront leurs craintes.
Pas question de supprimer la voiture
Malgré les débuts prometteurs d'Elevate, il ne sera pas question pour Uber de supprimer la voiture, insiste-t-on en interne. Dans 20 ou 30 ans, vous aurez encore tous les modes de transport. Le train par exemple est très efficace pour des trajets de centre-ville à centre-ville. En revanche, il est moins adapté pour couvrir une zone large où il y a moins d’habitants, là il vaut mieux une voiture. Dans les années à venir il y aura simplement beaucoup plus de choix, comme Elevate", conclut-il.