Un feuilleton qui se poursuit. Après des semaines, voire des mois, de controverse sur fond de gestion hasardeuse des données personnelles, de faille technique ou encore d'influence dans les élections de plusieurs pays, Mark Zuckerberg, le fondateur et CEO de Facebook, est bien décidé à reprendre le contrôle de sa création. Lors d'une réunion organisée avec une cinquantaine de haut responsables de son groupe en juin, il a expliqué que le réseau social était en "état de guerre", indique le Wall Street Journal lundi et prévenu qu'il allait reprendre le contrôle et diriger en conséquence. Une reprise en main qui cause de nombreuses tensions en interne, y compris avec la numéro deux historique et chef des opérations, Sheryl Sandberg.
Pas assez rapide à réagir
Parmi les reproches faits par Zuckerberg à ses équipes, indique le quotidien américain, elles n'auraient pas été assez réactives face aux récents problèmes rencontrés par le réseau social. Résultat, alors qu'il était jusqu'à présent habituel de prendre le temps et de consulter l'intégralité des personnes concernées, les décisions doivent désormais être actées plus rapidement. Les dirigeants sont mis sous pression pour "faire des progrès rapidement" sur les questions de sécurité et la croissance du nombre d'utilisateurs. Un temps gérées par Sheryl Sandberg, les questions clés remontent désormais jusqu'au patron de 34 ans. En août, la décision de Facebook de bannir le complotiste américain d'extrême droite Alex Jones du réseau social a été validée directement par Mark Zuckerberg.
C'est également dans cette optique que l’équipe de direction a été réogranisée avant l'été. Plusieurs postes clés ont été réattribués, et notamment ceux de responsables de WhatsApp et de Messenger. La transition entre les fondateurs d'Instagram, sur le départ, a, elle, été confiée à l'une des figures historiques de l'entreprise, Adam Mosseri. Le jeune patron est également allé mordre sur les terrains de sa numéro deux, dont les deux principales missions étaient de gérer les affaires quotidiennes et la communication. Il a décidé de mettre Caryn Marooney, directrice de la communication depuis deux ans, en retrait et de la remplacer par Rachel Whetstone, ancienne directrice de la communication d'Uber. Elle a finalement annoncé qu'elle quittait l'entreprise deux mois plus tard. Mi-octobre, le recrutement de Nick Clegg, ancien vice-Premier ministre britannique pour devenir vice-président en charge des affaires internationales et de la communication a été géré par Sandberg et Zuckerberg. Il doit prendre ses fonctions dans les prochaines semaines.
Mauvaise gestion de l'affaire Cambridge Analytica
Avec tous ces changements, Mark Zuckerberg et Facebook cherchent à tourner la page du scandale Cambridge Analytica, du nom de cette entreprise britannique accusée d'avoir récupéré les données de 87 millions d'utilisateurs de Facebook pour un usage frauduleux. Outre le mal que cette affaire a pu faire à l'image de Facebook, le fondateur a jugé mauvaise la réaction de son groupe. Après les premières révélations du New York Times et du Guardian sur cette affaire, Facebook a attendu plus de quatre jours avant de réagir publiquement, Zuckerberg se livrant alors à une série d’interviews. Durant cette période, le groupe était plongé dans un black-out total, la plupart des responsables ne sachant pas comment réagir ou répondre aux sollicitations, ont indiqué plusieurs sources à Europe 1. Plusieurs réunions organisées dans l'urgence à Menlo Park, au siège de Facebook, n'ont pas permis aux différentes équipes de se mettre d'accord immédiatement sur la posture à adopter, prolongeant l'attente.
En milieu de semaine dernière, une enquête du New York Times sur la gestion de l'influence russe dans l'élection présidentielle de 2016 a de nouveau obligé le groupe à s’expliquer. D'après le quotidien américain, Mark Zuckeberg et Sheryl Sandberg étaient occupés par d'autres problèmes que ceux de Facebook à un moment clé pour l'entreprise. Le groupe avait par ailleurs engagé le controversé cabinet de communication et de lobbying de Washington The Definers, chargé d'allumer des contre-feux sur d'autres plateformes ou entreprises de la Silicon Valley quand l'attention se focalisait trop sur Facebook. Ce dernier avait aussi préparé des fiches sur les sénateurs qui ont interrogé ses deux responsables au Congrès. Lors d'une conférence téléphonique avec plusieurs journalistes, Mark Zuckerberg a expliqué avoir découvert l’existence de ce cabinet à la lecture de l'article et ne pas savoir qui l'avait embauché. Sandberg en a fait de même.
Sheryl Sandberg sur un siège éjectable ?
En tant que responsable des équipes de communication, cette position est plus compliquée à tenir pour Sheryl Sandberg qui a elle-même reconnu qu'elle aurait "dû" connaître l’existence de Definers. Pour plusieurs employés de Facebook interrogés par Europe 1, l'article du New York Times qui met largement en cause la responsable des opérations n'est qu'un juste retour à la réalité. "Elle a été relativement épargnée jusqu'à présent alors que c'est elle qui aurait dû gérer tout ça", indique un employé souhaitant rester anonyme. "Il était temps que les rôles soient établis publiquement", se félicite un autre alors que Sandberg est de plus en plus critiquée en interne. Après une discussion mouvementée avec Mark Zuckerberg au printemps, cette ancienne de Google, embauchée par le fondateur en 2008, aurait confié à des amis se demander si elle devait craindre pour son poste, révèle le Wall Street Journal.
Après le scandale Cambridge Analytica, Mark Zuckerberg a assuré à sa numéro deux qu'il la tenait pour responsable de cette affaire. Le fondateur regrettait qu'elle n'ait pas assez investi pour la protection des données personnelles et la sécurité de l'entreprise. Sheryl Sandberg pourrait-elle être la première à faire les frais des troubles des derniers mois ? Cela ne semble pas à l'ordre du jour, du moins pas pour le moment. Lors d'une conférence téléphonique la semaine dernière, Mark Zuckerberg a assuré que Sandberg "était une partenaire très importante pour lui, continuait de l'être et continuerait de l'être". Mais quelqu'un ne devra-t-il pas un jour être tenu pour responsable publiquement ? "Je ne vois pas comment tout le monde pourrait rester en place", concluent deux employés interrogés par Europe 1.