Haine en ligne : le plan du gouvernement pour mieux réguler les réseaux sociaux

Marlène Schiappa souhaite que les réseaux sociaux collaborent plus étroitement avec les services de sécurité français.
Marlène Schiappa souhaite que les réseaux sociaux collaborent plus étroitement avec les services de sécurité français. © AFP
  • Copié
, modifié à
Les réseaux sociaux sont sous le feu des critiques après l'assassinat de Samuel Paty, nommé dans une vidéo d'un parent d'élève incitant à se mobiliser contre lui et relayée par le tueur. Le gouvernement souhaite que les plateformes luttent plus efficacement contre les contenus haineux, avec un plan d'action plus incitatif que coercitif.
DÉCRYPTAGE

Après l'émotion, l'indignation et les récriminations, place au plan d'action. Après l'assassinat de Samuel Paty, les réseaux sociaux sont pointés du doigt, notamment Facebook qui a laissé en ligne la vidéo d'un père de famille appelant à se mobiliser contre l'enseignant en donnant son nom et l'adresse du collège. Inadmissible pour le gouvernement qui souhaite renforcer la régulation et la modération des contenus sur Facebook, Twitter, Snapchat et les autres plateformes. Faute de pouvoir les contraindre, comme l'a montré l'échec de la loi Avia, l'exécutif souhaite cette fois responsabiliser les réseaux sociaux.

Les contenus haineux dans le viseur du gouvernement

Première chose, le gouvernement durcit le ton. La réunion de mardi matin entre Marlène Schiappa et les patrons français des principaux réseaux sociaux a été constructive, nous dit-on, mais avec une ministre à l'offensive. "L’État prend ses responsabilités, nous en attendons de même de chaque réseau social", martèle-t-on place Beauvau. "L’ennemi se contrefiche des règles, des règlements et des conditions d’utilisation. Il est impensable qu’un enfant tombe sur une photo de décapitation, une vidéo d’appel à la haine et toute la propagande dont Daech nous abreuve depuis des années que nous combattons sans nous excuser", dénonce la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté.

Le Premier ministre a montré la même fermeté mardi après-midi à l'Assemblée nationale, lors des questions au gouvernement. "Nous ne pouvons plus nous résoudre à assister passivement au déchaînement de la haine sur les réseaux sociaux. C'est bien parce qu'il a été nommément désigné sur les réseaux sociaux que Samuel Paty a été assassiné", a affirmé Jean Castex devant les députés. Des mots forts accompagnés d'annonces, notamment "des renforts supplémentaires, sans délai, au service chargé de surveiller, sur les réseaux sociaux, l'islamisme radical.

Du neuf avec du vieux ?

Le Premier ministre a également annoncé son intention de créer un "délit de mise en danger d'autrui par la publication de données personnelles". Selon Matignon, il s’agit de renforcer un article du Code Pénal datant de 2002. L'article 226-22 punit de cinq ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende la divulgation d’informations personnelles dans le but de nuire à l'intimité d’une personne. L’exécutif souhaite désormais que la sanction englobe les réseaux sociaux et soit étendue aux atteintes physiques.

Par ailleurs, le gouvernement va également réactiver le "groupe de contact permanent", un organe créé en 2015, lorsque Bernard Cazeneuve était ministre de l'Intérieur, qui réunit les représentants des réseaux sociaux et les agents de Beauvau. Il était inactif depuis quelques temps mais une réunion en urgence se tiendra la semaine prochaine. Chez Facebook, on fait savoir que l'"on se félicite de la décision des autorités de relancer le groupe de contact". Dans le même ordre d'idée, le gouvernement incite fortement les réseaux sociaux à collaborer proactivement avec Pharos, la plateforme de la police pour le signalement des contenus illicites sur Internet.

Le gouvernement dépoussière donc des outils préexistants et opte pour une stratégie de la main tendue vers les réseaux sociaux : pas de contrainte mais des incitations. Une méthode accueillie plutôt positivement par les principaux intéressés. Chez Twitter et Facebook, on fait savoir que l'on collabore déjà activement avec les forces de l'ordre et que des efforts supplémentaires seront faits pour lutter plus efficacement contre les contenus haineux ou faisant la promotion du terrorisme. Reste à savoir si et comment cette bonne volonté se traduira en actes.