Imaginez que vous tombiez un jour sur un site qui porte votre nom ? Vous ne seriez pas au courant, et le site ne proposerait pas vraiment des contenus en accord avec votre volonté... C’est un phénomène peu connu des internautes. Pourtant le cybersquattage, qui peut s’apparenter à une usurpation d’identité ou à une escroquerie sans pour autant être illégal, se répand de plus en plus sur la toile. Chaque année, 200 cas de cybersquattage sont signalés à l’Association française pour le nommage internet en coopération (AFNIC). Pierre Bonis, le directeur général de l’AFNIC, était l’invité de Culture médias sur Europe 1 pour expliquer ce phénomène, en hausse de 38% entre janvier et septembre 2019.
C’est quoi, le cybersquattage ?
"Le cybersquattage c’est le fait d’occuper un espace sur internet qui pourrait ou devrait être occupé par quelqu’un d’autre", explique Pierre Bonis. Il s'agit, par exemple, de prendre le nom de domaine d'une entreprise ou d'une personnalité, sans avoir de liens avec eux. "Il y a plusieurs intérêts : revendre cet espace à la personne légitime qui devrait l’occuper, réaliser des arnaques en se faisant passer pour une grande marque ou un site de e-commerce et récupérer des numéros de cartes bleues. Un autre motif peut être la vengeance, comme par exemple quand des partenaires commerciaux se séparent : l’un d’entre eux va prendre le nom de son partenaire pour l’empêcher d’aller sur internet. Le motif du cybersquattage n’est jamais un bon motif", assure-t-il.
Qui est touché ?
Le cybersquattage peut toucher n’importe quel internaute, mais plus souvent les personnes célèbres et encore davantage les entreprises. "La plupart du temps ce sont des entreprises, soit des marques soit leurs noms. C’est aussi souvent la puissance publique, par exemple quand un ministère annonce l’ouverture d’un site mais qu'il a oublié d’enregistrer le nom de domaine", détaille le directeur général de l’AFNIC.
Comment faire quand on est victime de cybersquattage ?
Les internautes ont la possibilité de déposer une requête devant l’AFNIC s’ils s’estiment lésés par du cybersquattage. "Il faut nous saisir pour désigner ce nom de domaine qui constitue du cybersquattage. En moins de deux mois on répond et si la réponse est positive on restitue le nom de domaine", explique Pierre Bonis.
"C’est de l’arbitrage, une mini-procédure avec la défense et le requérant pour savoir si on peut rendre le nom de domaine à la personne qui nous a sollicité ou alors la laisser à la personne qui l’utilise. On donne raison au requérant dans plus de la moitié des cas. Mais parfois les requérants ne se rendent pas compte que les cybersquatteurs ne font rien d’illégal."
Comment s’en prémunir ?
Le cybersquattage n’étant pas illégal, Pierre Bonis conseille aux internautes de s’en prémunir en "construisant sa présence en ligne". "Vous ne pouvez pas être absent d’internet et essayer de chasser ceux qui se font passer pour vous. Il faut occuper le terrain. A partir du moment où vous avez fait ça, vous êtes légitimes pour vous battre contre les cybersquatteurs", conseille-t-il.
"Si vous ne l’avez pas fait, vous n’êtes pas légitimes et c’est très compliqué de dire que cette personne n’a pas le droit de parler de vous. Il faut pouvoir dire que cette personne se fait passer pour vous et parasite votre communication. Donc il faut construire sa présence en ligne."
Un exemple de cybersquattage : Stéphane Bern et le loto du patrimoine
Stéphane Bern a ainsi été victime de cybersquattage. La mission patrimoine lancée par l’animateur n’est pas propriétaire du nom de domaine loto-patrimoine, qui a été déposé par un autre internaute. Le présentateur de l’émission Historiquement vôtre sur Europe 1 l’a appris par hasard il y a un an. "Il y a toujours des bonnes âmes qui vous appellent pour dire qu’ils ont trouvé une statue géante de Stéphane Bern sur le site du loto du patrimoine. On m’a aussi demandé s’il fallait payer pour recevoir ensuite de l’argent du loto du patrimoine, alors que c’est un jeu avec un ticket de grattage, il ne faut rien acheter. Je me suis rendu compte qu’on utilisait abusivement mon nom et celui du loto du patrimoine", raconte l’animateur.
"Quand vous tracez ce site, cela vous mène en Irlande et dans des pays étrangers où la loi française ne s’applique pas. Vous n’avez aucune protection ni de votre identité ni de ce que vous faites, on se sent très démuni. Ce n’est pas de l’escroquerie parce qu’ils abusent de la crédulité et jouent avec les mots. Le site officiel c’est missionbern.fr."
La personne ayant déposé le nom de domaine loto-patrimoine a ainsi pu en profiter pour monétiser son site internet. "C’est assez bien fait, mais rien n’a été mis en avant démontrant une arnaque. Ce sont des sites qui vont dire des banalités sur le loto mais il y a énormément de publicités, c’est un moyen de monétiser la célébrité de Stéphane Bern et de la mission du patrimoine", précise Pierre Bonis. L’AFNIC a été saisie de ce cas et a décidé de rejeter la requête de la Française des jeux, partenaire de la mission du patrimoine. "Mais la FDJ peut revenir avec un meilleur dossier, et alors on donnera sans doute une réponse positive."