Ordinateurs et tablettes interdits dans les avions : plus de sécurité... et de complexité

Les tablettes et les ordinateurs ne seront plus autorisés en cabine sur certains vols. © Antti Aimo-Koivisto / Lehtikuva / AFP
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L'interdiction des ordinateurs et des tablettes en cabine sur certains vols répond aux craintes d'attentat. Mais elle pose également de gros problèmes d'organisation.

Les ordinateurs et les tablettes ne passeront plus les portes d'embarquement… Mardi, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont décidé de reléguer ces appareils électroniques dits "volumineux" en soute pour les vols en provenance de plusieurs pays arabes et de Turquie. Pour des raisons de sûreté, seuls les smartphones seront encore autorisés en cabine. Et la décision pourrait faire des émules. La France et le Canada ont en effet déjà annoncé qu’ils procédaient à une étude du risque avant de trancher. Mais y’a-t-il vraiment un intérêt à interdire ces appareils en cabine ?

Limiter le risque d’attentat

Pour justifier leur décision, les Etats-Unis et le Royaume-Uni mettent en avant le risque terroriste. “Les Etats-Unis craignent un remplacement des composants de certains appareils électroniques, et notamment les batteries, par des pains d’explosifs comme ça a déjà été le cas sur un vol de la Daallo Airlines il y a quelques années”, confirme à europe1.fr un membre de la Direction générale de l’avion civile (DGAC). En février 2016, un ordinateur piégé avait en effet explosé dans un Airbus A321 de la compagnie somalienne occasionnant d’importants dégâts sur la carlingue de l’avion. L’incident n’avait heureusement pas fait de mort.

A la suite de cet accident, plusieurs mesures avaient déjà été prises. Quel que soit leur vol, les Etats-Unis obligent par exemple les passagers à être en mesure d’allumer leurs appareils électroniques lors des contrôles de sûreté. Un moyen de vérifier que les ordinateurs et tablettes sont bien en état de fonctionnement et que les batteries n’ont pas été remplacées.

L'avantage : plus de sécurité

Des contrôles aux rayons X pour les bagages en cabine. On peut dès lors s’interroger sur l’intérêt de prononcer une interdiction de transport en cabine pour ces appareils. Ce choix s’explique par une différence des contrôles entre les bagages. "Le système de contrôle n'est pas le même pour un bagage qui va en soute ou un qui va en cabine", explique à europe1.fr Xavier Tytelman, formateur en aéronautique et président du centre de traitement de la peur en avion. "Lorsqu'il s'agit d'un bagage cabine, il est contrôlé au filtre de sûreté, en passant dans une machine à rayons X. Elle va reconnaître les formes et est capable de distinguer une lame, un couteau ou un pistolet par exemple. Elle va aussi détecter la densité des éléments contenus dans les bagages et particulièrement celle des explosifs. Mais le problème est que plusieurs éléments, comme les fromages ou les batteries au lithium peuvent avoir une densité proche de celle des explosifs", poursuit le spécialiste de l'aérien.

Lorsque la composition d'un objet pose question, les agents en charge du contrôle sont chargés de lever le doute en vérifiant le bagage. "Distinguer un vrai fromage d'un explosif est facile et ne pose aucun problème, mais il est nettement plus compliqué de faire la différence entre une batterie intégrée dans un ordinateur, et des explosifs", précise Xavier Tytelman. Les autorités peuvent alors demander aux voyageurs d'allumer leur ordinateur ou la tablette sur laquelle un doute subsiste, mais "cela demande beaucoup de temps et surtout, si la batterie est vide et que le voyageur ne peut pas montrer que son ordinateur fonctionne, il peut être confisqué". Enfin, il est possible de réaliser un test de détection d’explosif grâce à l’analyse d’un tissu qui aura préalablement été frotté sur l’appareil.

Un contrôle plus précis pour les bagages en soute. Les bagages en soute subissent eux un contrôle encore plus précis. "En France, les bagages qui vont en soute passent dans un système dit EDS (Explosives detection systems) qui va pré-déterminer s'il y a ou non présence d'explosifs par l'analyse des molécules présentes à l'intérieur des bagages. Si la machine estime qu'il y a une menace sur le bagage, elle va l'afficher à l'écran d'un opérateur humain qui va travailler dessus pour lever le doute", explique Sébastien Caron, directeur général d'ASCT, un centre de formation aux métiers de la sûreté aéroportuaire, interrogé par l'AFP.

"Sur 100 bagages, seulement 30% passent par l'écran de l'opérateur humain qui va arriver à lever le doute sur 25% des 30%. Les 5% restants sont envoyés vers une machine encore plus perfectionnée : le tomographe", un équipement d'imagerie très cher. Un tel contrôle permet donc de lever tout doute sur la présence d'explosifs.

L'inconvénient : de gros problèmes d'organisation

Si cette interdiction semble donc se justifier pour des raisons de sécurité, elle n’en reste pas moins complexe à mettre en place. Plusieurs points restent en effet sans réponse. Car si le Royaume-Uni fixe clairement une taille limite pour les appareils autorisés en cabine, les Etats-Unis sont plus évasifs. La possibilité ou non d’emporter avec soi une phablette, ces téléphones à très grand écran, resterait à la discrétion des compagnies aériennes, selon le site américain The Verge.

Surtout, la majorité des vols concernés sont des long-courriers de plusieurs heures. Les professionnels voyageant pour leur travail en profitent généralement pour travailler avec leur ordinateur et ne seront plus en mesure de le faire. Quant aux vacanciers, ils ne pourront plus utiliser leurs tablettes pour regarder des films ou des séries. Les compagnies aériennes qui ont lourdement investi pour proposer le Wi-Fi à bord de leurs avions risquent également de voir leurs recettes baisser, leurs passagers n’ayant plus besoin de l’utiliser.

Enfin, ce sont les compagnies qui seront chargées de s’assurer que leurs passagers ne transportent pas avec eux d’ordinateurs ou de tablettes. easyJet, qui est impacté sur une quinzaine de lignes à destination du Royaume-Uni, explique par exemple avoir déjà informé ses passagers de ces interdictions. La compagnie précise également qu’elle ne factura pas la mise en soute des appareils électroniques, mais refuse d’expliquer comment elle vérifiera que la règle est bien appliquée par les passagers.