Plongée au coeur d'un data center, dans les entrailles d'Internet

Europe 1 est allé visiter les data center MRS1 et MRS2. © MARTIN BUREAU / AFP
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REPORTAGE - Les data center, souvent méconnus du grand public, sont indispensables à tous les usages d’Internet. Ils sont de plus en plus à nombreux à Marseille.

Rien ne pourrait fonctionner sans eux sur Internet... Pas de recherches sur Google, pas de messages sur Facebook et pas non plus de séries sur Netflix. "Eux", ce sont les data center, ou centre de données en français. Ils sont de plus en plus nombreux à être installés en France, et notamment dans le Sud. Après un premier bâtiment de plus de 6.000m², un second a été inauguré cette semaine à Marseille. Europe 1 est allé les visiter.

Un bâtiment ultra-sécurisé qui "n'a rien de virtuel"

Extérieurement, rien ne laisse deviner que le bâtiment renferme l'un des lieux critiques du réseau internet. C'est dans un ancien bâtiment industriel tout ce qu'il y a de plus classique en plein centre de Marseille que le data center a été installé. Mais pour des raisons de sécurité, le bâtiment est ultra-sécurisé. Pour rentrer, les visiteurs doivent passer un premier portail de sécurité, puis un second. Un contrôle d'identité est effectué pour vérifier que la personne qui se présente est bien habilitée à entrer. Elle pourra ensuite le faire uniquement avec un responsable du site, qui ne peut ouvrir la porte que grâce à son empreinte digitale. Bienvenue à MRS1, 6.200 m², le premier data center de la ville.

A l'intérieur, à première vue, rien de très moderne : simplement un dédale de couloirs. Mais en y regardant de plus près, de part et d'autre des allées, des portes vitrées laissent entrevoir des serveurs empilés les uns sur les autres. Ces serveurs, sorte de disques dur, des espaces de stockage, en réseau, reçoivent et transmettent ce qu’ils contiennent 24h/24 dans le monde entier. Des entreprises comme Google, Facebook ou Netflix les utilisent. C'est aussi par-là que passe tous les mails que les internautes s'échangent. "Dans ce monde numérique, il n'y a rien de virtuel, il n'y a rien qui passe dans les nuages. On appelle parfois ça le cloud, mais tout passe par de la fibre optique, des data center, des machines, des serveurs. Notre métier c'est de faciliter la mise en place des infrastructures nécessaires à des services de distribution de contenus américains, des entreprises, des grands comptes, des PME...", explique Fabrice Coquio, président d'Interxion, qui gère ce data center. Une salle peut, à elle toute seule, contenir pour 50 millions d'euros de matériel informatique.

Des centaines de serveurs sur 6.000m²

En entrant dans l'une des salles, on pourrait se croire dans une soufflerie géante. Mais le bruit sourd qui règne vient du système de refroidissement qui permet de maintenir la pièce autour de quinze degrés malgré la chaleur que dégagent tous les serveurs. C'est l'un des principaux défis d'un data center, qui est "avant tout une usine électrique", confirme le président. Car les serveurs comme les systèmes de climatisation consomment beaucoup d'énergie. MRS2, deuxième data center de la ville, inauguré mercredi sur le port consomme par exemple 16 mégawatt, l'équivalent de la consommation électrique annuelle d'une ville de 15.000 habitants. Lors de la construction, 45% de la facture a d'ailleurs été allouée à l'installation électrique, quand l'achat ou la location du lieu (le foncier) ne représente que 5%.

Outre le coût des installations électriques et de refroidissement - un seul système de refroidissement coûte 40.000 euros -, la place qu'ils occupent sur le site n'est pas négligeable. "Cela peut vite représenter 50% de la surface, l'objectif c'est de gagner de la place pour avoir la plus grande partie possible dédiée aux serveurs", précise Fabrice Coquio. Dans le cadre de MRS2, une partie des éléments électriques, et notamment les dix générateurs de secours qui doivent prendre le relais en cas de coupure de courant, ont été installés à l'extérieur du data center lui-même.

La peur de la panne

Si des générateurs électriques sont présents malgré leur prix astronomique (un million d'euros l'unité), c'est qu'un data center ne doit jamais s'arrêter. "Tout est doublé", confirme le président d'Interxion. En cas d'arrêt du site, des utilisateurs de tout le sud de l'Europe, mais aussi du Maghreb et du Moyen-Orient pourraient en effet se retrouver impactés et ne plus avoir accès à une partie de leurs services en ligne. Tout a donc été prévu, même les incendies. "Nous avons un système de détection en pré-alarme pour voir, par exemple, avant même qu'il y ait de la fumée si l'opacité de l'air est anormale. Si l'alerte est confirmée, nous pulvérisons des gaz inertes à très forte pression qui vident la pièce de son oxygène. Et sans oxygène il n'y a plus d'incendie. Tout cela se fait en 40 secondes et sans arrêter les serveurs".

Pour toutes ces raisons, les clients des data center sont prêts à payer très cher. Une baie de 2m² (une armoire dans laquelle on peut stocker plusieurs serveurs) est facturée 1.000 euros par mois par Interxion. Parmi les clients, on trouve des opérateurs télécoms, Orange, SFR ou Bouygues par exemple, mais aussi des plateformes numériques dont les noms sont confidentiels. Il se murmure malgré tout que Netflix, Facebook et Microsoft seraient présents à Marseille. 

Connecter le monde

C'est donc dans ce data center que les échanges de données entre opérateurs et entreprises du numérique se font. Lorsqu'un utilisateur, chez lui, lance une vidéo sur Netflix, il faut, pour que cela fonctionne, que la demande passe par un data center. La commande de l'utilisateur est transporté par l'opérateur jusqu'au data center où son réseau est connecté aux serveurs de Netflix sur lesquels l'épisode est stocké. Il est ensuite renvoyé à l'utilisateur en quelques millisecondes. Dans le cas des utilisateurs qui se trouvent dans le sud de la France, de l'Europe ou Maghreb, le data center en question à toutes les chances d'être à Marseille.

Cette localisation n'a rien d’anodin. "Marseille c'est le meilleur endroit pour se connecter quand on vient d'Afrique, du Moyen-Orient, d'Inde ou d'Asie à l'infrastructure des câbles sous-marins avec Londres, Paris, Amsterdam ou Francfort", indique Fabrice Coquio. Car la cité phocéenne, ouverte sur la Méditerranée est le point d'arrivée de plusieurs câbles sous-marins, ceux qui permettent les échanges entre les data centers de tous les continents. Treize sont déjà connectés et trois nouveaux, aussi puissant que les treize premiers, doivent arriver d'ici fin 2019 depuis l'Asie notamment. Le tout avant l'ouverture d'un troisième data center à Marseille l'an prochain.