Il faut sauver le soldat Mario. Mardi, Nintendo a publié son bilan financier des trois derniers trimestres (avril à décembre 2016) et les résultats sont assez inquiétants. Sur 9 mois, le chiffre d’affaires atteint 311 milliards de yens (2,6 milliards d’euros), en baisse de 27% par rapport à la même période l’an dernier.
Bénéfice en trompe l’œil. Certes, Nintendo se félicite de voir son bénéfice net bondir de 154% en un an, à 103 milliards de yens (848 millions d’euros). Mais derrière ce chiffre reluisant se cache une opération exceptionnelle : la cession des parts que détenait l’entreprise japonaise dans l’équipe de base-ball américaine des Seattle Mariners. Une opération qui lui a rapporté 63 milliards de yens (523 millions d’euros) et qui masque les difficultés financières de Nintendo. En effet, le bénéfice d’exploitation (qui correspond aux activités concrètes) a chuté de 38% par rapport à 2015, à 26,3 milliards de yens (217 millions d’euros).
La Wii U sombre. Nintendo pâtit de l’agonie de sa console de salon. En un an, les ventes de la Wii U – qui n’a jamais trouvé son public - ont dégringolé de 75% lors des neuf derniers mois avec seulement 760.000 exemplaires écoulés. A titre de comparaison, il s’est vendu 6,2 millions de PS4 pour la seule période de Noël 2016. Logiquement, les ventes de jeux associés à la Wii U ont dévissé de 45% dans le même temps. Aucun jeu destiné à la console de Nintendo n’intègre le top 10 des ventes en 2016. Pour illustrer le désamour des "gamers" envers la Wii U, il suffit de jeter un œil à Mario Kart, licence phare de Nintendo. Mario Kart 8 (jeu le plus vendu sur Wii U) s’est écoulé à 7,5 millions d’exemplaires, bien loin des 36 millions de son prédécesseur Mario Kart Wii.
Pokémon Go ne pèse pas beaucoup. L’analyse de ces résultats sur neuf mois permet de mettre en évidence l’impact limité de Pokémon Go. Le jeu pour smartphone, véritable phénomène estival quelque peu retombé depuis, ne s’est pas converti en manne financière pour l'éditeur japonais. Normal, puisque l’entreprise japonaise n’a pas développé elle-même l’application, développement confié à l’Américain Niantic.
Nintendo a cependant bénéficié directement de la manne Pokémon Go de deux façons. En Bourse d’abord : à Tokyo, le lancement de l’application avait fait s’envoler le cours de l’action Nintendo de 129 à 272 euros en deux semaines. Aujourd’hui, le cours est redescendu à 185 euros, soit toujours 48% de plus qu’avant le début du phénomène. Résultat, la capitalisation boursière de Nintendo est passée de 18,4 à 26,4 milliards d’euros en six mois.
Des revenus indirects. Plus concret, Nintendo perçoit l’argent de Pokémon Go via les 32% des droits de vote qu’elle détient dans The Pokémon Company, qui gère la marque Pokémon. Nintendo reçoit "des droits de licence ainsi qu'une indemnité pour sa collaboration dans le développement et la gestion de l'application". Selon les résultats publiés mardi, l’application a rapporté environ 130 millions d’euros à Nintendo depuis son lancement (sur un total de 880 millions d’euros générés). Un pécule conséquent mais insuffisant pour compenser l’effondrement de la Wii U.
Nintendo édite le jeu le plus vendu de l’année. Finalement, le principal avantage, sur le plan financier, de Pokémon Go pour Nintendo est d’avoir réanimé le phénomène des "monstres de poche". En effet, Pokémon Soleil et Pokémon Lune, dernières versions de la série sorties sur la console portable 3DS, se sont écoulées à 14,7 millions d’unités dans le monde… en seulement deux mois ! C’est tout simplement la meilleure vente de jeu vidéo de l’année, devant FIFA 17 et Uncharted 4. Il n’y a pas de fumée sans feu : la 3DS continue de cartonner avec 6,5 millions d’exemplaires vendus sur les neuf derniers mois (+10% par rapport à 2015).
Quid de Super Mario Run ? Lors d’une conférence téléphonique, Nintendo a donné les derniers chiffres concernant Super Mario Run, application qu’elle a elle-même développée pour les smartphones. Le PDG Tatsumi Kimishima a précisé que le jeu, gratuit au départ, avait été téléchargé 78 millions de fois et que 5% des joueurs avaient acheté la version complète à 10 euros. On peut en déduire que Super Mario Run a rapporté environ 40 millions d’euros à Nintendo, un total pas vraiment mirobolant. Mais le jeu n’est sorti que le 15 décembre.
Et maintenant, la Switch. Après avoir acté la mort de la Wii U – le prochain Zelda est le dernier jeu développé pour la console – Nintendo mise énormément sur la Switch, sa nouvelle console qui doit sortir au Japon le 3 mars. Mi-console de salon, mi-console portable, elle aura pour mission de reconquérir les fans. Le premier jeu annoncé, The Legend of Zelda : Breath of the Wild, est d’ores et déjà très attendu.
Dans ce contexte difficile, Nintendo a revu ses prévisions pour l’année 2016/2017 (clôture en mars) à la baisse par rapport à l’exercice précédent. Elle prévoit un chiffre d’affaires de 470 milliards de yens (3,9 milliards d’euros, -6,8%) et un bénéfice d’exploitation de 20 milliards de yens (165 millions d’euros, -39,2%).