Elle avait déjà des négociations difficiles à mener pour former un gouvernement et rester au pouvoir. Mardi, Angela Merkel (CDU) a dû recadrer son ministre de l’Agriculture, Christian Schmidt, un membre de la CSU alliée au parti de la chancelière. Son tort ? S’être prononcé pour la prolongation de l’autorisation du glyphosate, finalement votée pour cinq ans par les différents pays de l’Union européenne, lundi. C’est d’ailleurs ce feu vert de l'Allemagne qui a fait pencher la balance au niveau européen en faveur du renouvellement, et causé l’irritation des partenaires de l’Allemagne comme la France, hostile à la prolongation pour cinq ans.
Schmidt a-t-il décidé seul ? Angela Merkel savait-elle que son ministre allait prendre cette décision, qui "n'a pas correspondu à la position sur laquelle le gouvernement s'était mis d'accord" selon elle ? Selon le journal allemand Die Zeit, la ministre de l’Environnement du gouvernement d’Angela Merkel, Barbara Hendricks (SPD), a affirmé que la chancelière n’était pas au courant de cette décision. "J'ai pris la décision par moi-même et dans le cadre de mon domaine de compétence ministérielle", a revendiqué le ministre, tandis que Merkel a déclaré qu'"un tel incident" ne devait "pas se répéter". Normalement, lorsqu’il y a un désaccord au sein de la coalition sur des votes au niveau européen, l’abstention doit être la règle. C’est notamment ce qui devait se passer lundi : la ministre Barbara Hendricks était contre la prolongation de cinq ans (comme la SPD), Christian Schmidt était pour comme les autres membres de la CSU. L’Allemagne devait donc s’abstenir, comme lors des précédents votes.
Une réunion cruciale jeudi. Depuis, le SPD ne décolère pas contre le ministre, accusé d’avoir causé une "rupture de confiance". Pour éteindre l’incendie, Angela Merkel est donc montée au créneau, mardi après-midi, sans prononcer pour autant le limogeage du ministre. "Avec ce recadrage, elle a calmé le jeu et plutôt bien joué", explique Hélène Kohl, correspondante d’Europe 1 à Berlin. "Il faudra voir ce qui arrive dans les prochains jours. La CDU, la CSU et le SPD doivent se voir jeudi et décider s’ils reprennent les négociations en vue d’une grande coalition. Cet épisode permet en tout cas aux sociaux-démocrates de la SPD de faire monter les enchères" en demandant par exemple des gages à la CDU conservatrice sur la politique économique plus favorable à l’investissement qu’à la limitation des déficits.
La CSU, un poids politique assez faible. C’est surtout la place des conservateurs bavarois de la CSU au gouvernement qui se joue. "Ce parti représente 6% au niveau national. A-t-elle vraiment besoin d’eux ? Elle pourrait dire qu’elle ne limoge pas Christian Schmidt tout en décidant d’exclure la CSU des futures négociations pour former un gouvernement", anticipe Hélène Kohl, pour qui la décision unilatérale du ministre peut s’expliquer par la volonté de plaire à sa base, constituée d’agriculteurs allemands friands du glyphosate utilisé dans le Roundup de Monsanto. La firme va d’ailleurs fusionner avec le géant allemand Bayer. Un vote assez logique, donc, et une cacophonie qui aura forcément des conséquences sur les négociations en cours à Berlin.