La polémique n’en finit plus d’enfler. Au printemps dernier, une nouvelle formule du Levothyrox, médicament destiné à lutter contre l’hypothyroïdie, était mise en circulation. Après avoir couvé pendant tout l’été, le feu a pris à la fin du mois d’août. Depuis, les témoignages faisant été de nombreux effets secondaires indésirables pleuvent. Une pétition a été mise en ligne, et une plainte pour mise en danger de la vie d’autrui a même été déposée. Retour en cinq questions sur une polémique qui est sans doute loin d’être terminée.
Le Levothyrox, c’est quoi ?
C’est un médicament qui contient de la lévothyroxine, une molécule de synthèse d'une hormone thyroïdienne, et qui est commercialisée en France par le laboratoire allemand Merck. Il permet de traiter l’hypothyroïdie, un dysfonctionnement de la thyroïde, qui ne produit pas, ou produit trop peu, d’hormones, principalement la thyroxine. Les malades souffrant d’hypothyroïdie, en majorité des femmes âgées de plus de 50 ans, voient de nombreuses fonctions de l’organisme ralentir. Le symptôme le plus courant est une fatigue importante, un manque de tonus, une envie de dormir. Citons aussi des symptômes moins courants tels qu’une prise de poids, une frilosité excessive, une constipation, des ballonnements et une baisse de la libido.
En France, pas moins de 3 millions de personnes souffrent d’hypothyroïdie, et prennent régulièrement du Levothyrox. Ce qui explique aussi l’ampleur de la polémique. Tous, toutefois, n'ont pas le même besoin du médicament. Pour certains, il s'agit de pallier un faible désagrément, dans le cadre d'une grossesse par exemple. Certains, en revanche, doivent être traités à vie, notamment ceux qui ont subi l'ablation de la thyroïde, après un cancer par exemple. pour ceux-là, la prise du Levothyrox est tout bonnement vitale.
Quelle est l’origine de la polémique ?
Le problème originel, c’est que la composition du médicament a changé début mars. A la demande de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), Merck a modifié la formule du Levothyrox, afin d’assurer une stabilité plus importante de la teneur en substance active. Le dosage n’a pas changé donc. Ce sont les excipients, les substances non actives qui accompagnent la lévothyroxine, qui ont été changés. Le lactose, allergène et parfois mal toléré, a ainsi été remplacé par du mannitol et de l’acide citrique. L’un est utilisé comme édulcorant dans les chewing-gums, l’autre est un conservateur très répandu dans l’alimentation. Deux produits courants et inoffensifs. Et pourtant…
De quoi se plaignent les patients ?
Depuis l’arrivée de la nouvelle formule sur le marché, de très nombreux témoignages d’utilisateurs affluent pour dénoncer de nouveaux effets secondaires. Le plus médiatique est sans conteste celui d’Anny Duperey, qui a lancé mercredi "un cri d’alarme" dans Le Parisien. Comme beaucoup d’autres patients, la comédienne se plaint de vertiges, d’une grande fatigue, de crampes ou de problèmes intestinaux. D’autres citent des problèmes de vue, des débuts de dépression ou encore des poussés d'agressivité.
Pour l’heure, l’apparition de ces symptômes reste inexpliquée. L’une des hypothèses, c’est que la nouvelle formule du médicament peut avoir modifié la vitesse d’absorption du principe actif par l’organisme. Ce qui, dans le cas d’un médicament à marge étroite - c'est-à-dire un médicament dont le dosage prescrit est très précis - peut bel et bien entraîner un changement dans la tolérance du produit. En revanche, il semble peu probable que les nouveaux excipients soient en cause.
En attendant, la gêne ressentie par les patients semble bien réel. Au point qu’une pétition a été lancée sur le site mesopinions.com. Le texte, intitulé "Contre le nouveau Levothyrox dangereux pour les patients", a recueilli jeudi en début d’après-midi plus de 212.000 signatures. Par ailleurs, une quinquagénaire a déposé plainte vendredi contre le laboratoire Merck pour mise en danger de la vie d’autrui. "J'ai déposé plainte car nous n'avons pas été informés d'un changement de formule, rien dans la notice ne l'indique", a expliqué à l'AFP Anne-Catherine Colin-Chauley, 58 ans.
Que répond le laboratoire ?
Pour Merck, "il n'est pas du tout question de revenir à l'ancienne formule". Le laboratoire explique que la nouvelle formule du médicament a été élaborée "à la demande de l'ANSM" et "dans l'intérêt du patient", car elle permet d'avoir une teneur en principe actif "beaucoup plus stable" que précédemment, sur la durée et d'un lot à l'autre, a assuré une porte-parole de la firme pharmaceutique. "Nous comprenons la détresse des patients, mais il n'y a pas de solution miracle. Il faut voir avec son médecin s'il y a un besoin de nouveau dosage, et si ce n'est pas le cas, il faut attendre que le corps s'habitue" à la nouvelle formule, a ajouté cette porte-parole.
D’ailleurs, Merck n’en a pas fini avec cette nouvelle formule. La France n’est en effet que le premier pays à commercialiser cette nouvelle version. Des procédures d'homologation sont en effet en cours dans d'autres pays. Et la polémique pourrait donc encore s’étendre.
Quelle est la position des autorités ?
Le gouvernement a choisi, pour l’heure, de temporiser. "Certains patients ont ressenti des effets secondaires (...) indésirables et très gênants", a reconnu mercredi la ministre de la Santé Agnès Buzyn au cours d'une conférence de presse. Mais ces effets devraient "s'estomper avec le temps", a-t-elle estimé, après avoir reçu des associations de patients. La ministre a ajouté que la majorité des 3 millions de personnes traitées avec le Levothyrox auraient "un bénéfice" avec cette nouvelle formule, plus stable, et qu'il ne fallait donc "pas revenir en arrière".
Quant à l’ASNM, elle préfère insister sur la dangerosité… d’arrêter le traitement. "Il y a un risque vital. Les personnes ayant des désagréments doivent consulter leur médecin", a indiqué fin août l’Agence du médicament. Le 23 août, l’ASNM a mis en place un numéro vert, le 0.800.97.16.53 (accessible de 9h à 19h du lundi au vendredi), pour répondre aux interrogations des patients. Jeudi, l’instance estimait à 5.000 le nombre de déclarations d'effets indésirables, précisant qu'il est trop tôt pour savoir combien sont réellement liées au traitement.