Nicolas Flamel, l'alchimiste et la pierre philosophale

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SAISON 2023 - 2024, modifié à

 

Changer le plomb en or, une pierre philosophale qui rendrait immortel… les prouesses supposées de l’alchimie portent un nom, celui de Nicolas Flamel !  Virginie Girod vous dévoile la vérité sur l’alchimiste à la renommée telle qu’il a intégré la saga Harry Potter !  

 

Flamel naît au milieu du XIVe siècle, à Pontoise, dans l’actuel Val d’Oise. C’est le siècle maudit, marqué par la guerre de Cent Ans et la peste. Nicolas Flamel parvient cependant à obtenir une situation confortable, en misant sur l’écriture ! Avec le développement des villes et des universités, les moines copistes perdent peu à peu leur monopole sur la retranscription des livres. Installé à Paris, Flamel ouvre une petite échoppe et s'établit en tant que copiste et écrivain public. Son mariage avec Pernelle Flamel, deux fois veuve, grossit encore plus sa considérable fortune. Le couple n’hésite pas à financer de gros travaux dans la capitale, et la réfection d'édifices religieux, autant d'occasions d’afficher leur générosité et leur attachement à la foi catholique. Partout, il fait apposer ses initiales.  

 

Quand la colère du peuple, qui souffre des conséquences désastreuses de la guerre, menace de s’abattre sur les riches bourgeois, Flamel finance la construction de maisons destinées aux pauvres. Une de ces maisons est encore debout aujourd’hui, dans la rue de Montmorency. C'est d'ailleurs la plus vieille maison de Paris !  

 

Jusqu’ici, pas d’alchimie. Les rumeurs naissent et s’emballent après la mort de l’écrivain. Chacun s’interroge sur l’origine de sa richesse, et cherche un sens caché derrière les gravures présentes sur les bâtiments dont il a financé des travaux.  

 

 

Thèmes abordés : Paris, Alchimie, peste, légende, Harry Potter 

 

"Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio

- Présentatrice : Virginie Girod 

- Auteure : Solène Grandclaude

- Production : Caroline Garnier

- Réalisation : Nicolas Gaspard

- Direction artistique : Julien Tharaud

- Composition de la musique originale : Julien Tharaud et Sébastien Guidis

- Edition et Diffusion : Nathan Laporte

- Promotion et Coordination des partenariats : Marie Corpet

- Visuel : Sidonie Mangin

 

avec la participation de Marc Messier !

 

Bibliographie 

De l'alchimie à la chimie - Olivier Lafont 

Le livre des figures hiéroglyphiques - Nicolas Flamel 

Nicolas Flamel - Écrits alchimiques - Didier Kahn 

 

 

Sources : 

Histoire de Flamel et de la pierre philosophale 

https://www.retronews.fr/journal/a-la-page/8-septembre-1932/4510/5623100/11   

La pierre tombale de Nicolas Flamel 

https://books.google.fr/books?id=UX0TAAAAYAAJ&pg=PA379&hl=fr&source=gbs_toc_r&cad=2#v=onepage&q&f=false   

https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/epitaphe-de-nicolas-flamel.html   

Expulsion des Juifs de France par Charles VI 

https://www.lemonde.fr/archives/article/1994/09/11/dates-il-y-a-six-cents-ans-charles-vi-expulse-les-juifs-de-france_3816770_1819218.html   

 

 

Nicolas Flamel voit le jour au 14e siècle, probablement en 1340 à Pontoise, dans l'actuel département du Val d'Oise. L'enfance de Flamel n'est pas de tout repos. La guerre de cent ans a débuté à peine trois ans plus tôt et au nord du pays, l'Angleterre et la France se livrent des combats sans merci. Les conséquences humaines et économiques ne tardent pas à se faire ressentir sur tout le territoire.

Il a à peine six ans lorsqu'il entend les récits sanglants de la bataille de Crécy et la défaite de l'armée française face aux archers anglais. Plus tard, il échappe de justesse à la terrible épidémie de peste noire qui ravage toute l'Europe et emporte avec elle 25 millions de victimes.

On ne sait guère plus de détails sur son enfance, sinon qu'il ne se passionne pas pour les campagnes militaires, ni pour l'art de la médecine. Son truc à lui, c'est la lecture, et surtout l'écriture. Pendant des siècles, cet art était surtout réservé aux membres du clergé et à la royauté. Seuls les moines reclus dans des monastères avaient le droit de retranscrire les livres et d'y ajouter des enluminures. On les appelait d'ailleurs des moines copistes… tout simplement parce qu'ils copiaient des livres !

Au cours du Moyen- âge, les villes et les universités se sont développées et les moines copistes ont peu à peu perdu leur monopole. Désormais, la lecture est aussi l'apanage de la noblesse et de la haute bourgeoisie. Et ça, c'est une aubaine pour Flamel ! Il ne vient pas d'un milieu très aisé et il comprend vite que l'écriture peut devenir son gagne-pain.

Devenu adulte, il est déterminé à réussir dans cette voie et part donc s'installer à Paris. Là-bas, il ouvre une petite échoppe dans la rue des Ecrivains et s'établit en tant que copiste et écrivain public. La boutique est en plein cœur de la capitale et le succès ne tarde pas à venir. Flamel est très demandé et gagne vite des revenus confortables. A tel point que peu de temps après l'ouverture de son échoppe, il achète une maison à l'angle de la rue des Ecrivains et de la rue Marivaux. La demeure témoigne de l'aisance financière de son propriétaire. Sur la façade, on peut y voir plusieurs gravures luxueuses ainsi que des inscriptions religieuses.

En 1370, Nicolas Flamel rencontre une certaine Pernelle, dont il tombe amoureux. Elle est plus âgée que lui et surtout, elle est deux fois veuve et n'a pas d'enfant. Lorsque les deux amants se marient, Pernelle apporte avec elle une fortune considérable, qui vient s'ajouter aux revenus de Nicolas, déjà très aisé.

Le couple fortuné est bien assorti. Parmi leurs nombreux points communs, deux sont très importants : les Flamel sont des catholiques très dévots et surtout, ils partagent un goût prononcé pour les énigmes. Ce sont ces similitudes qui vont les aider à bâtir leur légende.

Laisser une marque sur Paris

Vers la fin du 14e siècle, la ville de Paris se trouve face à un problème gênant : les fosses du cimetière des Innocents menacent de déborder. Ce cimetière a aujourd'hui disparu mais se trouvait à l'endroit où trône désormais la fontaine des Innocents , en plein cœur du quartier des Halles.

Le cimetière des Innocents était l'un des plus grands de la capitale et recevait de nouveaux corps chaque jour. Lors de l'épidémie de peste noire, des dizaines de cadavres y étaient amenés tous les jours. Les agrandissements successifs ordonnés au cours du Moyen- ge n'ont pas vraiment réglé une difficulté majeure : comment contenir la quantité de corps et de squelettes enterrés ? Pour résoudre le problème, les bourgeois de la capitale font financer la construction d'arcades destinées à soutenir des charniers où les ossements seront entassés.

Nicolas Flamel finance une très grosse partie du projet… mais pas à n'importe quelle condition ! Il fait construire toutes les arcades de la façade ouest, du côté de la rue de la Lingerie. Dans ses demandes, il impose que soient gravées ses initiales en lettres gothiques, ainsi qu'un poème et des inscriptions religieuses.

Sa générosité ne s'arrête pas là : la même année, il finance la réfection du portail de l'église Saint-Jacques de la Boucherie, à laquelle son atelier est adossé. Là encore, il pose une condition : il doit y être représenté avec sa femme, en prière devant la Vierge Marie, Saint Jacques et Saint Jean. Flamel est peut-être dévot mais il n'est pas connu pour sa modestie. On pourrait même dire qu'il est un brin mégalomane ! Il a bien l'intention de laisser une marque indélébile sur la capitale.

La fortune des Flamel ne semble pas se tarir. Il faut dire que le couple sait saisir les opportunités, aussi peu honorables soient-elles. En 1394, la guerre de cent ans fait rage depuis plus d'un demi-siècle et les conséquences économiques sont désastreuses. La colère gronde au sein du peuple.

Les Juifs, souvent prêteurs d'argent, deviennent la cible privilégiée. Les insultes et les agressions pleuvent chaque jour. Elles atteignent leur point culminant lorsque Charles VI fait promulguer des lettres patentes ordonnant aux Juifs, et je cite, "de vider le royaume avant Noël prochain sous peine de punitions corporelles et de confiscation de tous leurs biens".

Pour les Juifs de Paris et de France, c'est un nouvel exode forcé. Nicolas Flamel et Pernelle, fervents catholiques, ne s'en soucient pas. Ils y trouvent même un intérêt et se démènent pour racheter les créances des exilés. Les deux époux sont peut-être catholiques, mais ils préfèrent tout de même protéger leurs intérêts. Leur fortune, déjà conséquente, s'accroît encore. Mais la colère du peuple n'est apaisée que pour un temps.

Une fortune de plus en plus conséquente

Pernelle ne jouit pas très longtemps de cette fortune puisqu'elle meurt en 1497. D'autres, par contre, aimeraient bien en profiter… A peine quelques semaines après sa mort, la famille de Pernelle intente un procès à Flamel dans l'espoir d'obtenir un gros héritage. Bien mal leur en prend.

Car les deux époux, qui n'ont jamais eu d'enfant, n'étaient fidèles qu'à eux-mêmes. Peu de temps après leur mariage, ils avaient signé, devant notaire, un legs mutuel de leurs biens et exclu toute la famille de Pernelle de l'héritage. Les descendants durent repartir la tête basse, laissant à Flamel la jouissance complète de sa fortune.

L'écrivain continue de financer la réfection d'édifices religieux et d'apposer ses initiales partout. Il fait aussi fructifier ses revenus en acquérant d'autres biens immobiliers. L'année 1407 est particulièrement faste : il fait construire une nouvelle arcade au cimetière des Innocents où il se fait représenter avec sa femme en prière. Il en profite pour ériger un tombeau pour Pernelle, un honneur destiné aux plus fortunés.

Mais l'expulsion des Juifs qui a eu lieu bien des années plus tôt n'a pas calmé la colère du peuple, d'autant que les difficultés économiques sont de plus en plus violentes. Et cette fois, ce sont les riches bourgeois qui commencent à attirer l'attention… particulièrement ceux dont la richesse a été soudaine et rapide.

Flamel n'est pas stupide, il sent le vent tourner. Il décide donc de financer la construction de maisons destinées aux pauvres. Ils peuvent y être accueillis, être nourris et s'y reposer, à condition de se recueillir dans la prière. Flamel en fait construire un peu partout dans Paris, en n'oubliant jamais, comme vous vous en doutez, d'y apposer ses initiales ! Un vrai modeste ce Flamel ! Seule l'une de ces maisons est encore debout aujourd’hui, dans la rue de Montmorency. C'est d'ailleurs la plus vieille maison de Paris !

Nicolas Flamel meurt le 22 mars 1418. Son enterrement à l'église Saint-Jacques de la Boucherie est discret et seule une petite pierre tombale témoigne de sa présence entre les murs. Son existence semble être condamnée à l'oubli. Mais un livre va chambouler l'Histoire et construire l'extraordinaire légende de l'alchimiste.

Les premières rumeurs

Un premier livre est édité quelques dizaines d'années après la mort de Flamel. Son nom est évocateur : c'est Le Livre Flamel. C'est un traité traduit du latin et incorrectement attribué à l'écrivain. Mais par une petite coïncidence de l'Histoire, à la même époque, l'alchimie est en plein essor et on commence à s'interroger sur la véritable signification des gravures religieuses qui ornent les arcades du cimetière des Innocents. N'auraient-elles pas un sens caché ? Et d'ailleurs, d'où vient la fortune de Flamel ? Comment l'a-t-il acquise si rapidement ? Aurait-il fait une découverte ? A-t-il emporté son secret dans la tombe ? Et d'ailleurs, tant qu'on y est, est-il vraiment mort ?

Une fois les rumeurs lancées, personne ne peut les arrêter. D'ailleurs, autant vous dire que personne n'essaye ! L'histoire est bien trop palpitante. Parmi les certitudes de ceux qui étudient la question, l'une d'entre elles est tenace : Nicolas Flamel aurait trouvé le secret de la pierre philosophale, qui permet de transformer le plomb en or et de créer l'élixir de longue vie. Mais pour mieux comprendre, je dois m'attarder quelques secondes sur l'histoire de l'alchimie.

Qu'est-ce que l'alchimie ?

D'après Olivier Lafont, auteur du livre "De l'alchimie à la chimie", l'alchimie est née en Egypte entre le 2e et le 3e siècle. Les personnes qui se réclament de cette doctrine se disent aussi philosophes, et se réfèrent à la philosophie hermétique, liée au dieu Hermès. C'est aussi de là que vient le nom de pierre philosophale.

Mais l'alchimie, en quoi est-ce que ça consiste, exactement ? Idéalement, c'est la recherche de perfection, spirituelle bien sûr, mais aussi matérielle. Et c'est là que ça devient intéressant. Les alchimistes cherchent à atteindre la perfection en transformant des métaux non purs (le plomb par exemple), en métaux purs, comme l'or. Mais comment y arriver ? C'est là toute la difficulté. Chez les alchimistes, le processus a pour nom "Le Grand Oeuvre". Pour purifier le métal, il faut y augmenter la proportion de mercure. Quand on le transforme en argent, on obtient la pierre blanche. La pierre philosophale ne s'obtient que lorsqu'on réussit à changer le métal en or.

Mais revenons à Nicolas Flamel. Pourquoi croit-on qu'il aurait réussi ce que tant d'autres ont raté avant lui ? Tout au long du 16e siècle, des alchimistes de renom lui consacrent des traités et s'interrogent sur les significations des gravures du cimetière des Innocents. C'est finalement au début du 17e siècle que la légende de Nicolas Flamel va vraiment s'établir.

Le mythe de Nicolas Flamel

En 1612, un certain Pierre Arnauld sieur de la Chevallerie publie un ouvrage dans lequel il inclut un traité qui aurait été écrit par Nicolas Flamel lui-même : c'est Le Livre des figures hiéroglyphiques. Dans ce texte, Flamel y expliquerait son parcours. Un jour de 1357, il acquiert, pour la modique somme de deux florins, un mystérieux livre à couverture de cuivre. C'est un livre ancien sur l'alchimie, écrit par un certain Abraham le Juif et dans lequel il décrit la transmutation des métaux, le fameux Grand Oeuvre. Mais Flamel ne parvient pas à déchiffrer l'ingrédient initial, la matière première, l'élément indispensable.

Pendant 21 ans, il s'évertue à élucider l'énigme. Mais il échoue, malgré l'aide de sa femme Pernelle. Sur ses conseils, il part en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Là-bas, il fait la connaissance d'un vieux médecin juif qui lui explique enfin comment déchiffrer le livre.

De retour à Paris, il se remet au travail et parvient enfin à transmuter du mercure en argent, puis en or. Il décrit sa découverte en ces termes :

" « Je fis la projection avec de la pierre rouge sur semblable quantité de mercure […] que je transmutais véritablement en quasi autant de pur or, meilleur certainement que l'or commun plus doux et plus ployable » "

C'est donc de là que lui viendrait son immense fortune. L'ouvrage publié par Pierre Arnaud connaît un succès immédiat. Autant vous dire qu'à partir de ce moment, la légende de Nicolas Flamel devient un véritable mythe . On raconte même qu'il aurait scénarisé sa propre mort et celle de sa femme et que le couple serait toujours en vie !

Vous le savez déjà, ce n'est évidemment pas le cas. Les rumeurs ont largement exagéré la fortune des Flamel et les gravures du cimetière des Innocents n'ont sans doute qu'un sens religieux. Il faut toutefois attendre l'avènement de la chimie moderne à la fin du XVIIIe siècle pour que l'alchimie perde son crédit scientifique.

Mais Nicolas Flamel a laissé une trace indélébile. On le retrouve dans la littérature moderne, dans des films ou des jeux vidéo. Les fans de Harry Potter le connaissent d'ailleurs très bien : c'est un personnage central dans le premier tome de la saga. Le titre original est évocateur : Harry Potter and the Philosopher's Stone, soit littéralement Harry Potter et la pierre philosophale. Dans le roman, Flamel est d'ailleurs toujours vivant !

Et si vous vous baladez dans le 4e arrondissement de Paris, levez les yeux. Vous y verrez peut-être la plaque de la rue Nicolas Flamel. Celui qui n'était qu'un riche écrivain public a obtenu ce qu'il avait tant souhaité de son vivant : imprimer sa marque.

 

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