C’est la première fois depuis 16 ans que l’opposition obtient la majorité à l’Assemblée du Venezuela où elle a remporté 99 des 167 sièges.
Venezuela : l’opposition vient de remporter les élections législatives
C’est la première fois depuis 16 ans que l’opposition obtient la majorité à l’Assemblée du Venezuela, où elle a remporté 99 des 167 sièges. Une victoire qui va contraindre le gouvernement socialiste de Nicolas Maduro à cohabiter avec un Parlement dominé par la droite. Et qui marque, trois ans après la disparition d’Hugo Chavez, le déclin de ce qu’on a appelé la révolution bolivarienne.
Oui, presque tous les sondages d’opinion avaient prédit cette victoire, et on ne peut donc pas parler d’une surprise, même si au Venezuela, tout le monde retenait son souffle à la veille de ce scrutin décisif… Car il restait trois inconnues et en vérité, trois sources d’inquiétude. Ce vote allait-il se dérouler normalement, c’est à dire sans violence ? La percée prévisible de l’opposition serait-elle assez significative pour ne pas susciter de contestation ? Enfin, comment allait réagir le pouvoir chaviste, à commencer par le président Maduro ? Et là, il faut admettre qu’hier, tout le monde y a mis du sien pour que les choses se passent finalement au mieux. Tout le monde, ça veut d’ailleurs dire, aussi bien la présidence que l’opposition… D’abord, il y a eu très peu d’incidents marquants. Et ce n’est pas rien dans un pays marqué par la violence politique et où l’un des responsables de l’opposition vient encore de se faire assassiner, en plein meeting électoral. Ensuite, la victoire de l’opposition est d’une telle ampleur que personne n’a été en mesure de la mettre en doute. Et dès l’annonce des résultats, les ténors de la droite ont pris soin de dire qu’ils respecteraient tous les électeurs, et qu’ils ne voulaient écraser personne. Quant au président Maduro, il a aussitôt pris acte de cette défaite en appelant ses partisans au calme et à la sérénité. Et malgré ses accusations récurrentes contre les partisans d’une contre-révolution, il a lui-même qualifié ce vote de victoire de la démocratie. Ce qui est aussi une façon de calmer le jeu.
Comment s’explique cette défaite qu’on pourrait qualifier de déroute pour la gauche ?
Il y a d’abord l’usure du pouvoir, après 16 ans de chavisme, qui est loin d’avoir tenu toutes ses promesses, malgré certaines avancées sociales. Y compris aux yeux de la classe populaire, qui a vu les cadres du régime se transformer peu à peu en une nomenklatura accrochée au pouvoir et à ses privilèges, et qui est surtout très corrompue. Et puis, il y a la crise économique, accentuée par la chute du prix du pétrole, la principale source de devises du pays. Cette crise a provoqué une inflation de l’ordre de 200%, une flambée des prix et des pénuries de pratiquement tous les produits de base. Faire la queue toute la journée devant des magasins presque vides, c’est devenu l’obsession des Vénézuéliens. Et la raison principale de leur divorce avec le pouvoir.
Peut-on parler d’une défaite personnelle pour le président Nicolas Maduro ?
Absolument, parce qu’on avait dit qu’il avait voulu se mettre dans les pas d’Hugo Chavez, alors qu’il n’en avait ni le verbe, ni le charisme. Et ça s’est confirmé depuis trois ans… Ensuite, parce qu’il incarne un régime qui est à bout de souffle et qui n’a plus la moindre inspiration. Sa seule réponse à la crise a été d’exacerber les tensions. Avec l’opposition, dont plusieurs responsables ont été jetés en prison après des procès indignes. Et tension aussi avec les pays voisins du Venezuela, comme la Colombie. Dans une sorte de fuite en avant qui ne trompe personne…
La nouvelle majorité parlementaire aura-t-elle les mains libres et que va-t-elle faire de sa victoire ?
Cette nouvelle majorité, c’est d’abord une coalition de tous les mécontents, qui va de la droite dure à une partie de la gauche réfractaire au chavisme. Elle est hétéroclite, sans leader véritable, et ses objectifs restent pour l’instant un peu flous. A l’exception de vouloir sortir de prison les détenus politiques, dont elle fait une priorité… Mais elle aura tout de même le pouvoir de promulguer des lois, peut-être même de lancer des enquêtes sur la gestion des affaires… La cohabitation promet donc d’être musclée, entre cette majorité parlementaire, dopée par le soutien de l’opinion. Et le président d’un régime aux abois qui va sans doute vouloir tout faire pour museler un parlement qui veut sa perte…