Une procédure de destitution vient d’être lancée contre la présidente brésilienne Dilma Rousseff.
L’opposition de droite le réclamait depuis des mois, le président de la chambre des députés a fini par accéder à sa demande. Un an après sa réélection, Dilma Rousseff est donc aujourd’hui sous la menace d’une destitution. Au moment où sa cote de popularité est au plus bas, où son parti est compromis dans plusieurs scandales et alors que le Brésil s’enfonce dans la récession économique.
Décidément, ce deuxième mandat qu’elle a arraché de justesse se transforme jour après jour pour Dilma Rousseff en une descente aux enfers où rien ne lui est épargné. Ni les scandales à répétition, qui visent les plus hauts responsables de son parti, le parti des travailleurs, même si c’est l’ensemble de la classe politique brésilienne qui est aujourd’hui éclaboussée, notamment par l’affaire Petrobras, la compagnie pétrolière nationale. Ni les manifestations monstres, orchestrées par la droite mais auxquelles se joignent souvent des gens issus des couches populaires, c’est-à-dire sa base électorale, qui est de plus en plus déçue par sa politique. Et tout cela sur fond d’une crise économique, d’ailleurs autant provoquée par la chute des matières premières que par une gestion hasardeuse dont elle porte la principale responsabilité. Alors on savait que cette menace d’une destitution était dans l’air depuis des mois. Le paradoxe, c’est que celui qui vient d’appuyer sur le bouton, le président de l’Assemblée, appartient à une formation qui est pourtant alliée au parti de la présidente. Mais il est devenu l’un de ses pires ennemis. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il accuse Dilma Rousseff de ne rien avoir fait pour le défendre, alors qu’il est lui-même sous le coup d’une accusation pour corruption et pour détention de plusieurs comptes secrets à l’étranger. La vie politique brésilienne est devenue un sacré marécage…
Concrètement, qu’est-il reproché à Dilma Rousseff ?
On lui reproche d’avoir volontairement maquillé les comptes publics, pendant l’année de la campagne électorale. Et ceci, afin de camoufler les déficits de l’État pour subventionner certaines dépenses, et notamment des dépenses sociales. Et bien entendu, l’opposition l’accuse d’avoir fait cela en vue de sa réélection…
Est-ce que cette accusation est fondée juridiquement ?
En fait, c’est assez complexe. D’un côté, la cour des comptes brésilienne a effectivement recommandé aux députés de rejeter les comptes présentés par la présidente. Mais les juristes sont divisés, et un certain nombre d’entre eux estiment que comme on ne pourra pas imputer cette faute personnellement à Dilma Rousseff, il n’y aura donc pas de motif légal pour la destituer. En réalité, cette affaire va se jouer sur le plan juridique mais surtout au niveau politique.
Comment doit se dérouler cette procédure de destitution ?
Ça va durer des mois. Il faut d’abord que les deux tiers des députés approuvent la demande de destitution. Ensuite, on formera une commission d’enquête qui devra décider de la mise en accusation la présidente. Si on en arrive là, Dilma Rousseff sera alors suspendue pendant 6 mois. Et c’est au Sénat que reviendra la décision finale…
Est-ce qu’elle a vraiment une chance d’aboutir ?
Ça, c’est la grande inconnue. Normalement, la coalition parlementaire qui forme l’actuelle majorité a les moyens de bloquer ce processus. Mais Dilma Roussef est aujourd’hui tombée à un tel niveau d’impopularité, que ce soit au Parlement ou dans la rue, que plus personne ne peut jurer de rien. L’opposition fera tout ce qui est en son pouvoir pour la chasser, y compris par une stratégie de tension dans la rue. Son propre camp, le parti des travailleurs, la soutient sans conviction et s’inquiète surtout pour la suite et des risques de bérézina électorale. Quant aux Brésiliens, ils oscillent entre colère, écœurement ou désespoir. Et on les comprend.