Le père d'Agnès Marin réclame que le procès du meurtrier présumé de sa fille soit rendu public.
Invité : Frédéric Marin, père d’Agnès Marin.
Ses principales déclarations :
Pourquoi témoigner ce matin ?
"Je vous remercie de ma présence ici et d'avoir rappelé les faits. Trop souvent on parle de l'affaire d'Agnès comme un fait divers morbide, c'est le terme, il me glace le sang, la gorge quand j'en parle. J'avais une fille de 13 ans il y a moins de deux ans, elle était pétulante de vie, n'avait aucun problème dans la vie sinon grandir. Aujourd'hui, l'importance de témoigner est probablement lié au fait que je suis fatigué d'entendre les bonnes âmes exprimer toute leur compassion dans le meilleur des cas et leur satisfaction de voir qu'un certain nombre de procédures a été suivi dans l'affaire qui nous occupe..."
Vous souhaitez une audience en public...
"Je veux rendre hommage aux trois procureurs qui ont suivi l'affaire, en particulier M.Sennès qui a été très attentif... Je sais que le Président de la Cour d'Assises du Puy-en-Velay est un homme de tempérament, il a la réputation de ne pas se laisser impressionner... C'est la loi. Depuis 2010, le parquet peut demander la levée du huit clos : Matthieu, l'accusé, avait 18 ans moins 2 mois au moment des faits, il est mineur juridiquement parlant, il a tué comme on ne tue pas d'animaux, comme un adulte, de sang froid, en plein jour. Agnès a été tuée dans son collège, en plein jour, selon un protocole déjà utilisé un an et demi avant dans le Gard, pour une affaire de viol qui ne s'est pas terminée par un meurtre, semble t-il l'accusé a été interrompu dans les faits par un appel..."
On a mis en cause les psychiatres, le Collège... A qui en voulez-vous le plus ?
"C'est parce qu'on a dit beaucoup de choses qu'il est important que le procès soit public, que la Justice soit rendue au nom du peuple Français et devant le peuple Français, devant vous. Il n'est pas de mon ressort, et je m'en garderais bien, de jeter l'anathème sur untel ou untel. Je constate avec tristesse combien, depuis un an et demi, tout le monde, tous les acteurs des institutions, judiciaires ou du ressort de l'Education Nationale, se sont succédés pour exprimer encore une fois, je ne dirais pas leur satisfaction, mais le constat que tout avait été fait normalement. D'ailleurs, à votre antenne, il y a un an, le Cévenol est venu exprimer que, si c'était à refaire... En tout cas, que rien n'avait changé, qu'ils ne souhaitaient pas que quoi que ce soit change. Je ne jette l'anathème sur personne : je voudrais juste que la Justice soit à même, et c'est le rôle essentiel de ce procès je pense, évidemment de juger Matthieu, et que la peine soit exemplaire car les faits sont horrifiants. Mais au delà de ça, savoir qui a fait quoi et pourquoi, et que nous soyons capables d'en tirer tous collectivement des leçons pour l'avenir."
Vous ne souhaitez pas accuser vous-même avant d'assister à ce procès...
"Je ne veux pas accuser. Je ne veux d'autant moins accuser que je n'ai pas tous les faits entre les mains : nous sommes accompagnés par Maitre Szpiner, un conseil aussi humain que professionnel. Sur les lieux, l'instruction a été menée avec je crois compétence par le juge Maury. Je demande simplement que le procès soit fait dans des conditions publiques, c'est la meilleure garantie de transparence pour savoir si oui ou non il y a eu des dysfonctionnements..."
Vous n'en avez pas la garantie ?
"Comment, encore une fois... Votre fille est dans un établissement sous contrat, contrôlé par l'Etat, a été assassinée par un individu qui, un an et demi avant, a fait la même chose. La même chose ! Et pour lequel l'expert a dit, écrit, noir sur blanc, que Matthieu n'était pas dangereux : il ne l'a pas suggéré, il n'a pas posé la question, il l'a affirmé. Ce n'est peut-être pas un dysfonctionnement, c'est peut-être normal : auquel cas, tous les gens qui ont des enfants dans ce studio doivent s'inquiéter sur l'institution, les institutions. Les institutions ne devraient pas être que des dossiers."
Que redoutez-vous le plus dans ce procès ?
"Je redoute l'opacité, la tentation de jeter un voile pudique sur des choses qui sont horribles. Je redoute que, pour des raisons de bienséance et de morale... C'est amusant : on m'a dit et répété que la morale n'avait rien à voir avec le droit, que l'on pouvait juger le droit, pas juger par la morale. C'est curieux, pourtant on parle souvent de la morale dans la vie politique... J'ai peur que, au fond, l'intérêt collectif soit d'en faire le moins possible : nous avons un accusé entre les mains, nous avons collectivement un accusé entre les mains."
Vous redoutez que l'on passe à côté des vrais responsables plutôt que de croiser le regard de ce meurtrier présumé, ou assister à la description des faits ?
"Je n'ai pas ouvert le dossier, je veux être aussi vierge de toute émotion, si possible, que les jurés là pour juger Matthieu. Je suis simplement allé sur les lieux il y a quelques semaines. Je souhaite effectivement que les choses soient étalées au grand jour. Bien sûr, ça me fait froid dans le dos de penser que la vie de ma fille... Je n'ai même pas pu voir ma fille. Mon dernier souvenir, c'est quand je l'ai mise dans le train. J'ai simplement vu les larmes du gendarme qui l'a trouvée, qui n'a pas supporté... Tout ça n'aura aucun sens si on n'est pas capable d'en tirer des leçons. Vous, Bruce Toussaint, en tant que père de famille, vous avez envie que l'on vous dise demain : le système a évolué, s'est amélioré."
Le grand-père d'Agnès dit, dans Le Parisien : "la Justice a tué ma petite-fille"...
"Ce que je peux vous dire, c'est que le juge qui a mené l'instruction, un monsieur pas loin de la retraite, nous a dit que, dans toute sa carrière, il n'avait jamais vu un individu comme Matthieu."
Vous souhaitez que la Justice porte une attention particulière face aux crimes et agressions sexuelles à l'avenir ?
"Encore une fois, les événements du Gard ont montré qu'une jeune fille a été violée sous la menace d'une arme au milieu de la forêt selon un protocole clairement établi à l'avance, Matthieu a reconnu les faits, il a été envoyé dans un établissement mixte, loin. On peut s'interroger sur le rationnel de tout cela : pourquoi ? Quel était le fil conducteur ? Si le fil conducteur était de se débarrasser au fond d'une affaire... Souvent on entend les professionnels de la Justice dire qu'ils ont trop de travail, pas assez de moyens, des dossiers, des dossiers... Peut-être une analyse qualitative des dossiers serait intéressante... La santé d'une femme, d'une jeune fille, est un élément qui devrait peser lourd dans l'évaluation de la dangerosité d'un individu."