Valérie Trierweiler et Céline Raphaël témoignent au micro de Bruce Toussaint à l'occasion d'un colloque au Sénat sur les violences faites aux enfants.
Ce matin à 7h45, Europe 1 recevait Valérie Trierweiler, présidente du colloque national sur les violences faites aux enfants, et Céline Raphaël, ancienne enfant battue, auteur de La démesure aux Editions Max Milo. Ses principales déclarations :
Aujourd'hui a lieu au Sénat un colloque sur les violences faites aux enfants, que vous allez présider, Valérie Trierweiler. La responsable scientifique du colloque, Anne Tursz, estime que 10% des enfants en France sont victimes de violences parentales. Sommes-nous naïfs sur ce sujet ?
"Je ne sais pas si on est naïfs mais, en tout cas, on est ignorants. Il faut savoir de quoi on parle quand on parle de maltraitance : il y a les maltraitances physiques, celles que l'on voit dans les journaux, celles qui vont au comble de l'horreur quand on découvre que de jeunes enfants ont vécu des années dans des caves ou des placards... Quand on découvre que des enfants ont subi des sévices indicibles... Ca, on s'en rend compte mais on ne sait pas à quel point c'est fréquent. Ce qu'il y a aussi, ce sont des sévices psychologiques qui détruisent des enfants."
"Mais, vous savez, il y a un chiffre qui est bien pire que celui-là : c'est de savoir que 2 enfants meurent chaque jour de maltraitance ! Deux enfants ! Nous sommes en France ! Est-ce que vous vous rendez compte de ce chiffre ? C'est insupportable."
Votre engagement public est né de "La démesure", le livre de Céline Raphaël... Vous avez eu une sorte de choc...
"Oui j'ai eu un choc mais je tiens à dire que je m'y intéressais auparavant, avant de lire le livre de Céline. Je suis allée visiter des foyers pour enfants placés et, quand vous croisez le regard de ces enfants, je peux vous dire que vous n'oubliez pas. Donc j'étais déjà très sensible à cette cause avant le livre de Céline, mais je pense que c'est elle qui m'a convaincu de m'engager, oui."
Pourquoi avoir voulu raconter cette histoire bouleversante, Céline Raphaël ? Votre enfance privée de nourriture, enfermée, battue. Comment passer ce cap et écrire ?
Céline Raphaël : "Aujourd'hui je suis interne en médecine et j'ai vu les deux côtés de la barrière... J'ai subi les failles du système et ensuite, pendant mes études, je les ai mieux comprises. J'ai voulu écrire ce livre pour alerter : pour que les gens comprennent que la maltraitance n'est pas qu'un phénomène marginal qui ne touche que les marginaux, ça touche tous les milieux, des plus favorisés aux plus défavorisés, c'est un phénomène beaucoup plus fréquent qu'on ne croit."
Votre histoire démarre parce qu'on vous force à apprendre le piano...
Céline Raphaël : "A 2 ans et demi, mon père m'a offert un piano pour réaliser le rêve que lui n'a jamais pu assouvir petit, faute de moyens. Quand une professeur en Allemagne lui a dit que j'avais un talent qu'il ne fallait pas gâcher, il est tombé dans une obsession pour cet instrument, pour la perfection, qui a débouché sur toutes ces maltraitances physiques et psychologiques."
"Tu es pire qu'un chien" vous disait votre père...
Céline Raphaël : "Oui... Dans cette obsession de perfection, mon père était persuadé que je faisais exprès de mal jouer. Il a voulu briser ce côté rebelle en m'humiliant le plus possible pour casser ce qu'il restait de ma personnalité. Il me disait souvent : « Tu es pire qu'un chien ! Je t'aurai ! T'en crèveras mais je t'aurai ! »"
Valérie Trierweiler, comment peut-on agir sur ces sujets-là qui sont si difficiles ?
"D'abord, pour revenir à ce que dit Céline, elle a une phrase dans son livre : elle ne savait pas si elle allait mourir de peur ou mourir sous la violence des coups. Voilà, des enfants, c'est l'un ou c'est l'autre ; elle, elle a eu les deux, les humiliations, la torture morale, et les coups de ceinture et les coups dans la figure. A partir de là... Mais c'est elle qu'il faut saluer ! Elle a eu le courage de le faire, ce livre. Ce n'est pas facile ! D'abord elle a eu le courage de dénoncer son père, ce qui est déjà extraordinaire, peu d'enfants le font... Ensuite elle a eu le courage de faire ce livre et donc d'affronter sa famille."
Que peut-on faire pour aider ces enfants, et prévenir ces drames ?
"Il faut commencer par briser le silence. Regardez, on découvre les chiffres : vous êtes journaliste, je suis aussi journaliste, j'ai découvert l'ampleur de ce phénomène et on ne peut pas rester sans rien faire. Alors, bien sûr, à chaque fois qu'on lit dans les journaux ces faits divers, ces prénoms d'enfants qui finissent par mourir sous les coups de ceux qui leur ont donné la vie, on se révolte, on s'insurge, on dit que c'est terrible. Mais après ça ? Qu'est-ce qui se passe ? Il ne se passe rien de plus ! Donc ce colloque doit permettre déjà ça, quatre ministres seront présents, de nombreux professionnels, nous allons déjà essayer d'exprimer ce qui se passe, de voir là où ça peut pêcher entre les professionnels pour qu'il y ait davantage de signalements..."
On a du mal à croire l'enfant. La parole de l'enfant n'est pas toujours crue...
"Non, bien sûr, et puis il y a des enfants qui, parfois, ne disent pas la vérité ! Mais vous savez, il y a aussi des adultes qui ne disent pas la vérité... Donc il n'y a pas de raison de ne pas écouter un enfant."
Peut-on aller plus loin ? Cela peut-il passer par une loi ?
"Oui, bien sûr, il y aura des propositions. Certaines de ces propositions peuvent passer par des lois, mais là ce n'est plus moi que ça concerne..."
Est-ce que ça pourrait être une grande cause nationale ?
"Oui, c'est ce que souhaite proposer André Vallini, sénateur qui est l'organisateur avec Anne Tursz de ce colloque. N'oublions pas qu'il avait dirigé la Commission Outreau et qu'il avait fait un travail remarquable, donc je pense qu'il aura d'abord des idées de propositions de lois et, ensuite, son idée est de proposer une grande cause nationale. Les chiffres ont continué à augmenter ! Est-ce qu'il faut se réjouir qu'il y ait plus de signalements, ça veut dire que les professionnels font davantage ce qu'il faut ? Mais ça ne suffit pas, il faut continuer. C'est un combat qu'il ne faudra jamais lâcher. On ne peut pas accepter qu'il y ait 2 enfants morts par jour sous les coups des adultes."
Votre position vous permet de faire avancer cette cause, de la mettre en lumière. Etre première dame, ça sert donc à ça...
"Oui, ça sert à ça, mais je ne suis pas la seule ! D'abord il y a de formidables associations qui défendent cette cause : Enfance et partage, La voix de l'enfant, L'enfant bleu... Qui ont de belles marraines : Carole Bouquet, Marlène Jobert... Elles l'ont fait, elles continuent à porter cette cause. Donc, si moi je peux aider, je le ferais bien volontiers..."
Volontiers mais l'on sent un peu de distance malgré tout...
"Non pas du tout ! Seulementje ne me prends pas pour ce que je ne suis pas... Je ne suis pas une femme politique, pas médecin. J'aide peut-être à faire venir quelques médias... Après, je ne me prends pas pour ce que je ne suis pas."
On a senti ces derniers mois votre investissement dans certaines causes. Cela veut-il dire que vous avez trouvé vos marques dans cette nouvelle vie qui est la vôtre ?
"Oui, après un an d'apprentissage... Je crois que oui. Mais c'est aussi parce que, en un an, j'ai rencontré des tas de gens formidables. Je sais que c'est une formule consacrée mais c'est vrai. Des gens comme Céline Raphaël, qui apporte tellement, mais aussi des responsables d'associations, surtout les médecins..."
Vous avez dit apprentissage...
"Oui oui, j'ai dit apprentissage."
C'est étonnant comme formule...
"Bah non... Je l'avais dit au départ : je voulais qu'on me laisse le temps, on ne me l'a pas laissé, mais, bon, bah voilà je l'ai pris..."
On ne vous a pas laissé le temps ?
"Je ne crois pas. On ne m'a pas beaucoup laissé le temps. Mais... bon... Il fallait tout de suite... Mais moi il m'a fallu le temps de prendre mes marques."
Vous imaginiez que cette nouvelle vie serait aussi difficile ?
"Est-ce que c'est aussi difficile ? Non, je ne dis pas que c'est aussi difficile. Encore une fois, il y a de très belles surprises dans cette vie donc, non non, je me réjouis d'être là où je suis aujourd'hui."
Ca n'a pas été toujours facile non plus pour François Hollande mais sa côte de popularité remonte depuis quelques jours. C'est une forme de soulagement pour vous ?
"Ce n'est pas le sujet. Ce n'est pas le sujet. Nous sommes là pour les enfants maltraités et, vraiment, je pense que c'est le plus important aujourd'hui."
"Je voudrais juste ajouter un petit mot : juste exprimer ma solidarité pour les deux journalistes d'Europe 1 qui ont été enlevés en Syrie, Didier François et Edouard Elias. Voilà, je suis journaliste, je pense à eux, je voulais juste le dire."