Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mercredi, il revient sur la polémique qui a éclaté suite aux révélations de Mediapart sur les vacances de Jean-Michel Blanquer à Ibiza.
Jean-Michel Blanquer a tenté dès ce madi d’apaiser la tempête provoquée par ses vacances à Ibiza, en déclarant qu’il regrettait la symbolique du lieu.
Et il a eu raison d’essayer d’arrêter tout de suite la polémique en distinguant la forme (ce symbole de l’argent, du luxe et de la désinvolture qu’est Ibiza), et le fond : le ministre de l’Education a pris 4 jours de vacances aux Baléares, ce qui ne l’a pas empêché de travailler, comme le confirment tous ceux qui, dans les derniers jours de décembre et le 1er janvier, l’ont eu en ligne pour élaborer le protocole sanitaire dans les écoles.
Est-ce que ça suffira à calmer les choses ?
Avec les symboles, on ne sait jamais. Je ne crois pas qu’Ibiza en plein hiver soit un lieu de débauche avec « champagne shower » sur les plages, mais l’image est là, et elle est gênante. Il y a un demi-siècle, le Général de Gaulle avait averti son Premier ministre, Georges Pompidou, qu’il devrait arrêter de passer ses vacances à Saint-Tropez. Lequel avait bien compris la leçon et s’était rabattu la fois suivante sur la Bretagne, à Bénodet.
Eh bien voilà, les Français n’ont pas changé : ils n’aiment pas que les hommes et les femmes politiques aient de l’argent ou qu’ils se montrent dans des lieux bling-bling. Pour le reste, Jean-Michel Blanquer n’a commis aucune faute, si ce n’est une faute de goût. Il n’a pas transgressé l’obligation faite aux membres du gouvernement de rester à deux heures de la capitale, ni celle d’être joignable en permanence.
C’est très différent de ce qui se passe en Grande-Bretagne, par exemple, où le scandale des fêtes alcoolisées organisées dans les jardins de Downing Street implique directement Boris Johnson. Le Premier ministre anglais a désobéi à ses propres règles de confinement imposées à toute la population. Il s’est comporté comme aucun des sujets de sa Majesté n’avait le droit de le faire. Et il l’a fait à plusieurs reprises. C’est vraiment l’expression d’un passe-droit, d’un mépris de la règle commune qui risque de lui coûter très cher. Mais on voit bien que la situation à Londres est très différente de celle de notre procès d’Ibiza.
Sauf que les syndicats et l’opposition font le rapprochement entre le ratage complet du protocole sanitaire dans les écoles, tel qu’il a été défini pour début janvier, et le fait que le ministre de l’Education avait piscine.
Au fond, les enseignants et les organisations de parents d’élèves veulent que leur ministre vive la même vie qu’eux, qu’il galère comme eux. C’est le procès, le mauvais procès du mépris, de l’éloignement, de l’incapacité à comprendre les problèmes sur le terrain quand on roucoule au soleil des Baléares, quelques jours avant son mariage. Comme si ce ministre, qui est en poste depuis 5 ans, ne connaissait pas la situation de son ministère. Et comme si, resté à Paris ou installé en Bretagne, il aurait fait différemment sur le protocole sanitaire.
Non, la réalité, c’est que ce recordman de la longévité pour un ministre de l’Education de la République a beaucoup d’adversaires. Il est très impliqué dans la lutte contre le wokisme, ce qui lui vaut querelle avec les médias les plus engagés dans ce mouvement. Il ne cogère pas son ministère avec les syndicats, ce qui les exaspère. Et il a un bon bilan sur les écoles et les lycées, ce qui lui vaut les attaques de l’opposition, en particulier l’opposition de gauche qui, jamais à une outrance près, a exigé sa démission. Elle ne l’aura pas, ce serait provoquer une grave crise de régime.
Il y a 50 ans, Pompidou (encore lui) avait reproché à Jacques Chirac de s’être acheté un château en Corrèze, à Bity : « quand on fait de la politique, avait-il expliqué, on ne vit pas dans un château, sauf s’il est dans la famille depuis Louis XV, en encore ». Voilà, petit message d’outre-tombe à tous ceux qui font de la politique : attention aux symboles, attention aux fautes de goût.