Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce vendredi, il revient sur l'adoption à l'Assemblée nationale de l'allongement du délai légal pour l'avortement de 12 à 14 semaines. Alors qu'il était contre, l'exécutif n'a pas pu empêcher une partie de sa majorité de voter avec la gauche pour cette mesure.
Ce jeudi, les députés ont voté la proposition de loi étendant de 12 à 14 semaines le délai légal d’avortement. Ils l’ont fait contre l’avis du gouvernement.
C’est clairement une défaite de l’exécutif qui n’a pas pu empêcher une partie de sa majorité de voter avec la gauche de l’Assemblée nationale. Emmanuel Macron était contre et Jean Castex n’était pas pour. Olivier Véran plaidait que, pour traiter un sujet aussi grave et engageant, l’affaire ne pouvait pas être pliée en quelques débats autour d’un simple article de loi. Selon lui, il fallait au moins attendre l’avis du Comité national d’éthique, qu’il a saisi en dernière extrémité. Mais trop tard, ils ont été battus.
Fin de l’histoire ?
Non, pas vraiment. Le texte doit maintenant passer au Sénat, mais le gouvernement ne se dépêchera pas pour l’inscrire au calendrier. Et si la gauche y parvenait, le Sénat voterait contre, puis il y aurait une navette entre les assemblées. Bref, ce serait très étonnant que le texte soit applicable d’ici la fin du quinquennat. Mais au fond, peu importe. Des députés de la République en Marche ont commis leur petit acte de rébellion. Christophe Castaner, le président du groupe, l’a joué sur le mode : "Je suis votre chef, donc je vous suis". La réalité, c’est qu’une fois de plus, la majorité a montré sa division et son manque d’organisation. Cette fois, elle s’est faite rouler par des dissidents, les petits nouveaux du groupe "Écologie, Démocratie, Solidarité".
Le groupe EDS qui est principalement composé d’ancien membres d’En Marche qui viennent de claquer la porte du parti d’Emmanuel Macron.
C’est ça. Ils avaient la possibilité de déposer des propositions de loi. Ils ont choisi de le faire sur des sujets sociétaux, ceux pour lesquels il n’est pas nécessaire de travailler beaucoup pour frapper l’opinion publique comme les animaux en cage, le congé paternité, l’avortement ou le droit de vote à 16 ans. Leur but est de marquer les esprits, de se tailler un morceau de notoriété médiatique et de mettre en difficulté le gouvernement.
Ce qu’ils ont réussi à faire ?
Oui, enfin pas tout à fait. Le gouvernement les a malgré tout un peu vu venir. Il a désamorcé l’affaire des animaux en cage en annonçant l’interdiction à terme de produire des animaux sauvages dans les cirques itinérants. De même, Emmanuel Macron a pris de court la gauche en proposant lui-même le doublement de la durée du congé paternité. Mais c’est vrai que sur l’avortement, le gouvernement s’est fait totalement déborder sur sa gauche. Bon, l’état des lieux est simple : dimanche prochain, Jean Castex fêtera ses Cent jours à Matignon, lui qui se retrouve dans un état de faiblesse de plus en plus préoccupant. De son côté, le parti La République en Marche montre qu’il n’a aucune consistance ("un état gazeux", dit un cruel observateur). Emmanuel Macron a beau s’en moquer et ne compter que sur lui pour refaire en 2022 le coup de 2017, à force, tous ces trous dans son dispositif pourraient bien lui coûter très cher.