Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce lundi, il s'inquiète de la disparition du sujet de la dette. Tout le monde s’en moque pour le moment mais Nicolas Beytout rappelle que l'on finira par la payer.
Le projet de Loi de Finances pour 2021 sera présenté ce lundi matin en Conseil des ministres. Un projet exceptionnel, pour une période exceptionnelle.
Et avec des chiffres exceptionnels. Une augmentation de 8% de croissance après une dégringolade de 10% cette année. Et surtout, un déficit de près de 7%, largement dû, évidemment, aux fameux 100 milliards du plan de relance. C’est cet aspect-là du Projet de Loi de Finances que vont se focaliser les débats. Mais attention, pas sur la somme, car tout le monde a l’air d’approuver ce choix.
Pas sur les 100 milliards, on débattra donc sur leur utilisation ?
Absolument ! Des contreparties qu’il faudra demander ou pas aux entreprises en échanges des aides qui leur seront allouées. C’est là-dessus que va se dérouler l’affrontement politique, principalement entre la gauche et le gouvernement. Avec un argumentaire classique pour la gauche, une aide c’est un cadeau qu’il faut rendre (on avait déjà eu cette ritournelle au moment du CICE). Pour le gouvernement, une aide c’est une bouée de survie dans un environnement devenu totalement instable, hostile même.
Quelle position aura la droite dans ce débat ?
Elle est embarrassée. Son problème, c’est qu’avec cette invraisemblable crise économique et sociale liée au Covid, elle a perdu un de ses principaux marqueurs politiques. Pendant les trois premières années du quinquennat Macron, la droite a braqué les projecteurs sur l’incapacité du chef de l’État à réduire le train de vie de l’administration et sur son renoncement à diminuer le nombre des emplois publics. Les promesses de campagne du candidat Macron ont été totalement délaissées, la dépense publique a cavalé et la dette s’est nettement aggravée. La dette c’était l’ennemie et la droite ne se privait pas de porter le fer là-dessus. Eh bien, c’est fini. Terminé ! Plus un mot sur la dette, sa dérive de plus en plus préoccupante et les nouveaux sommets qu’elle va atteindre (2.700 milliards, c’est vertigineux). Ce sujet, qui a fracturé pendant des décennies le paysage politique français, semble placé à l’isolement, confiné pour cause de Covid. Le Rapporteur général de la Commission des Finances de l’Assemblée a pourtant souligné que l’on était face à "la pire dégradation de nos finances publiques depuis la Seconde Guerre mondiale". Une catastrophe.
Et ça va durer ? Le sujet ne va pas revenir dans l’actualité ?
Non, tant que nous sommes en opération survie, la dette restera ignorée. C’est curieux d’ailleurs cet aveuglement, on parle beaucoup de la difficulté pour les jeunes de vivre cette période Covid, mais pas de ce qu’il faudra rembourser (de ce qu’il leur faudra rembourser) ensuite. En fait, ce sujet est aujourd’hui inaudible. On ne peut pas dire qu’il faudra travailler plus longtemps, on ne peut pas dire qu’après avoir dépensé tellement plus, il faudra bien sûr dépenser nettement moins. On ne peut pas dire à un corps social malade qui espère sa guérison, qu’il y aura ensuite une longue convalescence. Ça viendra après et, ce jour-là, le débat sur la dette reviendra au premier plan des affrontements.