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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Alors que les "gilets jaunes" ont déjà commencé à bloquer des routes et des ronds-points, vous nous dites ce matin que le pouvoir d’achat des Français va augmenter cette année. En fait, vous aimez la provocation !

Oui, à vrai dire ce que j’aime avant tout, c’est la réalité des chiffres. Et je vais essayer de vous expliquer ce que disent les chiffres et les statistiques de l’Insee, et comment on doit les interpréter. Ce que disent les statistiques, c’est que le pouvoir d’achat des Français aura augmenté de 1,3% cette année. Comme ça a été le cas chaque année depuis 2014, il est vrai à un rythme inférieur à ce qui se passait il y a 10 ou 20 ans.

Bon, mais c’est une moyenne, et tous les Français n’en ont pas bénéficié de la même manière, je suppose ?

C’est vrai, et c’est la première correction qu’il faut apporter à nos fameuses statistiques. Il suffit d’écouter les "gilets jaunes" pour s’en rendre compte, les hausses de prix et les hausses de taxes (qui amputent le pouvoir d’achat) se sont concentrées sur des produits de consommation courante, sur des dépenses quotidiennes : l’alimentation, les carburants, le tabac. Tous les jours, les Français peuvent donc constater que les prix augmentent. L’inflation a d’ailleurs doublé en un an, et le panier de la ménagère s’en ressent évidemment.

Deuxième correctif, les mesures prises par le gouvernement ne touchent pas tout le monde de la même manière. La baisse de l’ISF n’a bien sûr amélioré le pouvoir d’achat que de ceux qui payaient auparavant cet impôt sur la fortune. La baisse de la taxe d’habitation, la baisse des cotisations sociales ne profitent qu’à ceux qui sont ciblés par ces réformes (les retraités qui ont été parfois laissés de côté le savent bien). C’est le principe même d’une moyenne, elle cache toujours des disparités.

Ce qui veut dire qu’il peut y avoir eu des baisses de pouvoir d’achat pour certains ?

Pas impossible, même si sur l’ensemble de l’année, ça devrait être assez limité. Et je voudrais insister sur ces mots : "sur l’ensemble de l’année", car ils sont peut-être un élément clef dans ce dossier. Vous vous souvenez que le gouvernement, dans la mise en œuvre de ses réformes, a choisi d’augmenter la CSG en tout début d’année, et de ne baisser en totalité certaines charges salariales et la taxe d’habitation qu’à la fin de l’année. J’augmente les taxes au début, je les réduis à la fin, ça a créé un décalage sur le pouvoir d’achat de tous les Français.

Ça a été réfléchi, ça a été voulu : ça permettait à Bercy de faire rentrer plus d’argent plus tôt (5 milliards d’euros, ce n’est pas rien). Mais c’était un pari politique assez insensé : imaginer que les Français patienteraient pendant des mois et des mois en intégrant que la hausse de la CSG serait plus tard compensée. Autre pari insensé : croire que, parce qu’elles sont motivées par la préservation de la planète, les hausse de taxes sont acceptées dans la joie et la bonne humeur.

Et c’est en effet l’inverse qui s’est passé : mauvaise humeur, et impression généralisée que le pouvoir d’achat est en baisse.

Voilà, c’est le mot juste : "impression généralisée". Ou, pour reprendre une expression bien connue de Laurent Cabrol et des météorologues : le ressenti sur le pouvoir d’achat est négatif. En ce qui concerne le pouvoir d’achat, aucun doute, ce weekend, le vent sera froid.