Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.
Vous avez aimé l’annonce aux Etats-Unis d’une intervention de l’administration dans l’économie.
Oui, et je sens bien dans le ton de votre question que vous trouvez ça bizarre de ma part, mais oui, j’aimé apprécié de voir que l’administration Trump avait décidé de mener des enquêtes contre Facebook, Google, Amazon et dans une moindre mesure Apple. Des enquêtes contre ces stars absolues de la nouvelle économie, ces géants réputés intouchables, c’est un tournant, et c’est une bonne nouvelle.
Pourquoi ? Vous ne croyez plus aux vertus du marché ?
Si, mais pas pour y faire n’importe quoi. C’est parce que j’y crois que je pense qu’il faut des règles. Et que c’est à l’Etat ou à des gendarmes internationaux d’établir les règles et de les faire respecter.
Et donc, que cherchent les Etats-Unis?
Le ministère de la Justice et la Commission de la concurrence américaine vont unir leurs forces pour voir si ces 4 géants dont je parlais il y a un instant n’ont pas faussé la concurrence. Ils pensent qu’ils ont abusé, abusé de leur position dominante, abusé de leur pouvoir de fixer les prix, de geler la concurrence, avec le risque de tuer toute innovation qui ne se produirait pas chez eux. On leur reproche d’avoir installé leur imperium sur 90% du marché des moteurs de recherche, sur 50% de la publicité en ligne aux Etats-Unis, d’équiper (pour certains d’entre eux) 99% des téléphones portables.
On leur reproche de s’être comportés comme des prédateurs, d’avoir systématiquement acheté leurs concurrents pour les absorber ou les tuer, d’avoir ratissé le marché des start-up qui pouvaient leur faire de l’ombre. On leur reproche d’avoir construit un système tentaculaire et planétaire ou chacune de leurs activités sert les autres.
Par exemple ?
Amazon, champion mondial du commerce, détient vos données, sait ce que vous achetez. Il n’était avant qu’un commerçant, aujourd’hui, il met en avant ses propres produits, ou impose de prendre ou de jeter tel ou tel fournisseur. Facebook et Google subissent le même genre de reproche.
Bon, mais tout cela n’est pas nouveau. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Un alignement des planètes. Et un changement du contexte politique. Jusque-là, Washington pensait que s’attaquer à ces géants, c’était prendre le risque de laisser la voie libre aux chinois, qui ne sont pas moins menaçants. Mais les dérives, les risques en matière de démocratie, en particulier chez Facebook, sont devenus trop grands. Il y a eu les soupçons d’intervention dans les élections américaines, il y a toutes les questions qui se posent sur le respect de la vie privée des utilisateurs de ces réseaux, avec la revente illicite de fichiers. Il y a eu surtout l’incapacité de ces réseaux à empêcher totalement la diffusion de messages de haine ou d’images de terrorisme.
Les géants sont devenus trop puissants, trop menaçants à plusieurs titres. Je vous le dis, ça prendra des années, mais je pense que, comme ce fut le cas dans l’histoire américaine pour les compagnies pétrolières ou les banques, ces fameux GAFA seront un jour démantelés.