Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.
Vous n’avez pas aimé une guerre qui s’est intensifiée cette semaine, une guerre d’un genre particulier.
Oui, une guerre technologique qui oppose les Etats-Unis et la Chine. En fait, les hostilités ont démarré il y a plusieurs mois, lorsque Donald Trump a fait arrêter la directrice financière de l’entreprise de télécoms Huawei, à l’occasion d’un de ses voyages en Amérique du Nord. Dans le même temps, l’administration Trump a commencé à imaginer un dispositif législatif pour interdire les produits Huawei, et à faire pression sur les entreprises américaines pour qu’elles se détournent de ces technologies. En somme, les Etats-Unis ont amassé des armes sur une ligne de front, en vue d’une bataille.
Une bataille qui vient justement de se déclencher.
Exactement, avec l’inscription de Huawei sur une liste d’entreprises qui menacent la sécurité des Etats-Unis. Et les premières salves n’ont pas tardé : les géants américains de la technologie qui travaillaient avec Huawei ont été obligés d’annoncer la rupture de leurs relations. Le plus spectaculaire a été l’annonce par Google qu’il cesserait dans quelques mois la fourniture de toutes ses données et applications qui ne sont pas dans le domaine public. Une véritable bombe, pour les dizaines et les dizaines de millions d’utilisateurs de téléphones Huawei dans le monde.
Le motif des Américains, c’est le risque d’espionnage par les Chinois.
Oui, pas tellement avec des téléphones, mais surtout au travers des équipements que Huawei fournit depuis plus de 10 ans à la plupart des grandes entreprises américaines de technologie. C’est sur ce segment de marché que les Etats-Unis portent l’accusation. Et ils le font "à l’américaine", sans nuance, en faisant pression sur leurs alliés occidentaux pour que, à leur tour, ils bannissent l’entreprise chinoise. Bon, plusieurs pays, dont la Grande-Bretagne et la France, n’ont pas cédé. Mais on voit clairement que Trump cherche à généraliser le conflit.
Et la Chine ? J’imagine qu’elle n’est pas restée inerte ?
Effectivement. Mais autant Trump est un adepte des coups de force, autant son homologue chinois, le Président Xi-Jiping fait dans le symbole. Dès la semaine dernière, il se rendait sur le site d’une mine, et il y a quelques jours il visitait une usine très spécialisée de la filière. Le message ? "Faites bien attention : la Chine détient l’essentiel des matières premières qui entrent dans la fabrication de certains composants électroniques" (on appelle ça les terres rares), et les Chinois peuvent très bien couper les approvisionnements et mettre à leur tour des boites américaines en difficulté.
Et qui est le méchant, dans cette histoire. J’imagine qu’il y a des éléments à charge contre les Chinois ?
Il y a des soupçons, il y a des accusations. Mais les alliés par exemple disent qu’ils n’ont pas obtenu de preuves de la part des Américains. Et bien sûr, Huawei se défend avec énergie et rejette toute accusation, tout en mettant en place un plan B pour ses clients. Mais il ne faut pas s’y tromper : ce qui se joue dans cette affaire, ce n’est pas tellement le cas d’une entreprise. Non, c’est la suprématie des Etats-Unis sur une technologie d’avenir, la 5G, sur laquelle ils ne sont pas leaders. C’est la première fois dans l’histoire des grandes transformations technologiques (depuis l’invention de la voiture, du chemin de fer, du téléphone) que la Chine est en tête. Il est là, le cœur de l’affaire.