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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mardi, il s'intéresse à la réaction de Bruno Le Maire face à l'OPA de Veolia sur Suez.

On poursuit avec vous sur cette affaire Suez-Veolia. Ce n’est pas la première fois que Bruno Le Maire s’oppose à une opération industrielle d’ampleur.

Non, c’est la troisième. Il y avait eu son veto au rapprochement entre Renault et Fiat, au motif que cela risquait de déplaire à l’allié japonais Nissan. Résultat, Fiat est allé se marier avec Peugeot-Citroën, le concurrent frontal de Renault. Pas sûr que cette affaire ait été une bonne opération pour l’État actionnaire de Renault. Autre veto ministériel, plus récent celui-là, c’est l’affaire Carrefour avec l’interdiction faite au Canadien Couche-Tard d’acheter le distributeur français. La différence avec Renault, c’est que cette fois, il s’agissait de deux entreprises privées. Exactement comme dans la bataille entre Suez et Veolia. C’est ça le plus étonnant. D’ailleurs, dans l’entourage de Bruno Le Maire, on le reconnaît bien volontiers : factuellement, Bercy ne peut rien faire contre cette OPA. 

Et pourtant, Bruno Le Maire ne s’est pas privé de le dire.

Précisément parce que la parole politique est en réalité sa seule arme véritable. Et parce qu’il pense que, face à cette opération économique, il doit faire de la politique. Pas pour privilégier Suez sur Veolia, il l’a dit clairement, il est aussi critique sur l’un que sur l’autre. Non, il veut une autre solution.

Il veut une opération amicale.

Oui, pas d’affrontement, pas de capitalisme de "la guerre de tous contre tous". Ce n’est pas tellement que notre ministre des Finances serait une âme sensible, non, mais tout cela est à mettre en perspective avec un credo, et avec une circonstance. Le credo, c’est qu’il veut "réinventer le capitalisme". La circonstance, c’est la perspective de l’élection présidentielle. Le credo, c’est que la vie des affaires doit être amicale, la circonstance, c’est que rien, dans les 15 prochains mois, ne devra être tenté qui puisse représenter un danger de perturbation politique. Pour Carrefour, le risque venait de la filière alimentaire et du monde agricole. Pour l’OPA de Veolia sur Suez, le risque, dit-on à Bercy, le risque c’est d’alarmer les syndicats et de déstabiliser les collectivités locales (qui sont les clientes pour la gestion de l’eau et des déchets). Voilà, c’est ça faire en sorte que "la politique se réapproprie l’économie". C’est la loi du pas de vague. Alors, c’est peut-être rassurant politiquement, mais du point de vue business, c’est la garantie que la France industrielle doit maintenant se figer en attendant que passe le politique. Pourvu que dans tous les autres pays qui ne se préoccupent pas de réinventer le capitalisme, nos concurrents veuillent bien, en toute amitié, attendre notre feu vert pour avancer.