Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce lundi, il s'intéresse au fiasco total du début de la campagne de vaccination française.
On commence l’année avec une polémique : celle sur la campagne de vaccination.
Après les masques, le gel et les tests, voilà une nouvelle fois la France prise en défaut dans sa lutte contre l’épidémie. Les chiffres sont accablants : environ 500 personnes vaccinées dans la France entière, contre pas loin de 240.000 (soit 500 fois plus) en Allemagne qui a pourtant reçu au même moment que nous les mêmes autorisations des autorités sanitaires européennes pour lancer la campagne de vaccination.
À Matignon, on souligne qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation et qu’on ne juge pas en six jours une campagne qui doit durer six mois.
Arguments totalement irrecevables pour deux raisons. D’abord, parce que c’est nous qui avons fixé cette durée de six mois. On reçoit 500.000 doses par semaines ; se donner un semestre entier pour les écouler, c’est de la part de l’administration admettre a priori son incapacité à faire en grand. Et puis, seconde raison, la guerre au Covid est une course de vitesse contre la propagation d’un virus potentiellement mortel. Chaque jour perdu est une défaite, et on va s’octroyer un délai de six mois ? C’est irresponsable.
Justement, Emmanuel Macron a tapé du poing sur la table pour que ça aille plus vite.
Oui et Matignon a promis d’accélérer. Mais le résultat de tout ça, c’est une nouvelle norme, une nouvelle règle. On va vacciner les soignants de plus de 50 ans. Mais pas les autres. Pourquoi ? Mystère de la régulation à la française. Car c’est ça la réalité, et elle est inquiétante : nous sommes intrinsèquement incapables de faire autrement. Ce pays est malade de sa bureaucratie, étouffé par les règles administratives et procédurales. La marche à suivre pour recueillir le consentement d’un patient avant d’être vacciné fait 45 pages : des consultations préalables, des délais de réflexion, des médecins coordinateurs, des pages et des pages sur la désignation de la personne de confiance, sur la traçabilité du consentement, sur les cases à cocher sur un site Internet qui n’existe pas encore à cette heure. C’est écrasant. Et encore, le pire est à venir…
Le pire ? C’est-à-dire ?
La mise en place d’un Comité citoyen de 35 personnes tirées au sort pour suivre dès la mi-janvier la campagne de vaccination. Le gouvernement recueillera "ses avis et ses recommandations", en même temps qu’il lancera une plateforme Internet de consultation citoyenne. C’est Emmanuel Macron qui l’a promis, comme une suite au Grand débat et à la Convention citoyenne sur le climat. C’est formidable : chacun pourra donner son avis sur le vaccin, ses avantages, ses inconvénients. Et surtout, chacun, sans rien y connaître, pourra "recommander" une stratégie au gouvernement. Voilà, c’est ça le pire qui nous guette : un pays à la fois corseté par une administration toute puissante et cornaqué par des collectifs dont la seule légitimité aura été d’être tirés au sort. Un pays où la politique nourrit sa propre impuissance, et perd chaque jour de son pouvoir.