Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce vendredi, il s'intéresse à l'échec de LREM aux élections régionales. Selon lui, l'appel aux votes de certaines personnalités de la gauche contre la majorité laissera des traces.
Après leur empoignade publique, mercredi, dans les salons de l’Élysée, Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti ont décidé de déjeuner ensemble. L’objectif est d’envoyer une image de réconciliation.
Une image parce que, dans le fond, ces deux-là ne se supportent pas. Il y a entre eux une animosité mutuelle qui s’ajoute à l’antagonisme structurel qui oppose le plus souvent le ministre de l’Intérieur à celui de la Justice. C’est presque banal, donc. Ce qui l’est moins, c’est cet affichage public. C’est aussi rare que la prise de bec entre Elisabeth Borne et Barbara Pompili, deux ministres en désaccord sur la réforme de l’assurance-chômage.
Emmanuel Macron a d’ailleurs rappelé à l’ordre Barbara Pompili en demandant de la loyauté.
Mais ça ne règle pas la question de fond. Au lendemain du premier tour raté des régionales, la macronie est en plein désarroi. Le chef de l’État a fait mine de ne pas s’intéresser au sujet, et de rester à bonne distance de La République en Marche. Résultat, à la veille du second tour, ça part dans tous les sens.
Dans tous les sens ? Vers la gauche ou la droite ?
Exactement. Plusieurs des dirigeants de la majorité se sont prononcés pour soutenir des listes de gauche, l’autre pour au contraire les faire battre. L’aile gauche de la majorité pousse par exemple à délaisser la liste LREM pour voter plutôt PS dans les régions où ce parti est en tête, comme la Bourgogne. Sur l’aile droite, on s’interroge au contraire sur les risques que fait courir le maintien de la liste En Marche dans les cas où c’est une gauche dure qui peut gagner une région. C’est le cas en Pays de la Loire, avec le maintien de François de Rugy, liste majorité présidentielle, face à une gauche unie autour d’un pivot Vert-Insoumis. Et c’est le cas en Ile-de-France, où l’ambiance est très tendue.
Valérie Pécresse fait face à l’alliance de la France Insoumise et du PS derrière le Vert Julien Bayou.
Ce n’est pas parce que le leader d’EELV a mis une cravate et un costume depuis qu’il est en campagne que ses idées sont moins jusqu’au-boutistes. Manuel Valls, l’ancien Premier ministre socialiste, et Jean-Paul Huchon, qui fut pendant 17 ans le président socialiste de la région IDF, ne s’y sont pas trompés. Ils ont solennellement appelé à voter Pécresse contre la gauche. Et même contre la liste La République en Marche. C’est du jamais vu, et c’est une leçon de vote républicain faite à la macronie. Tout ça laissera évidemment des traces. Désormais, le seul qui peut les effacer ou en atténuer la portée, c’est Emmanuel Macron en personne. Le chef de l’État ne pourra pas éviter de sortir de son silence pour tirer les enseignements de ces élections ratées et tenter de ramener un peu de raison dans sa majorité. C’est tout le positionnement de la fin du quinquennat qui se jouera alors.