Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mercredi, il s'intéresse à la décision du Conseil d'État concernant la réforme de l'assurance chômage. Les nouvelles règles de calcul prévues ne rentreront finalement pas en vigueur le 1er juillet.
Le Conseil d’État a suspendu ce mardi la réforme de l’assurance-chômage qui devait s’appliquer à partir de la semaine prochaine.
C’est un vrai revers pour le gouvernement et le ministère du Travail en particulier, qui est en charge de cette réforme. L’affaire dure en réalité depuis le début du quinquennat, et c’est un peu comme si une malédiction avait frappé le pouvoir sur cet aspect-là de sa politique sociale. À l’origine, le but était de compléter le volet des ordonnances sociales, celles qui ont introduit plus de flexibilité dans le droit du travail.
Qui, elles, sont passées sans encombre dans notre législation.
Absolument. Une réforme parfaitement exécutée, c’était fin 2017. Sauf que, pour être vraiment efficace dans la lutte contre le chômage, il fallait y ajouter un autre volet. Les premières ordonnances avaient libéré les patrons de la crainte de ne pas pouvoir licencier, en cas de coup dur ; il fallait en parallèle que les chômeurs soient davantage incités à reprendre un emploi, bref que les indemnités chômages soient révisées. C’est cet ensemble de deux réformes qui, il y a 15 ans, a permis le rebond économique et social de l’Allemagne.
Sauf que ça ne s’est pas passé comme ça.
Pas du tout. D’abord parce que le Covid est venu percuter le calendrier gouvernemental. Impossible, évidemment, de réduire en pleine crise la durée ou le montant de l’indemnisation-chômage. La réforme a donc été suspendue il y a 18 mois. Mais il y a plus grave. Autant les ordonnances sociales avaient été bien ficelées, autant le projet de réforme de l’assurance-chômage a été un parfait exemple de bricolage, avec une accumulation de situations aberrantes qui risquaient de créer de nouvelles injustices sous prétexte d’en corriger d’autres. Et même si le ministère du Travail s’est attelé à ripoliner tout ça afin de pouvoir mettre, enfin, en application cette réforme au 1er juillet prochain, les syndicats ne s’y sont pas trompé, ils ont déposé des recours devant le Conseil d’Etat.
Qui vient donc de suspendre l’application de cette réforme à huit jours seulement de son application. Ça, c’est la première mauvaise nouvelle, mais il y en a au moins une seconde.
Oui, parce que cet arrêt est un acte politique, ce qui n’est pas du tout dans la tradition du Conseil d’État. Ce n’est pas le fond de la réforme qui est critiqué, mais l’opportunité de la mettre en œuvre maintenant, en sortie de Covid. En fait, le juge se substitue au gouvernement pour estimer ce qui est réalisable ou pas, et pour l’empêcher de réaliser son projet. Autant dire que c’est plié pour ce quinquennat. C’est assez incroyable, et ça l’est encore plus lorsqu’on sait que, il y a quelques jours seulement, d’autres magistrats, ceux de la Cour des Comptes cette fois, pressaient au contraire le gouvernement de faire des économies et de mettre en place rapidement cette réforme sociale. On savait les juges de tous ordres tentés par la politique, mais les voir se contredire dans tous les sens donne vraiment une mauvaise image des institutions.