En première ligne pendant l'épidémie de coronavirus, l'Hôpital français est au centre des attentions du gouvernement qui a lancé lundi le Ségur de la santé. Mais la renconstruction du système hospitalier ne doit pas être qu'une question d'argent pour Nicolas Beytout, qui craint un nouveau plan pour rien.
Edouard Philippe a lancé lundi après-midi le Ségur de la santé. Objectif : reconstruire le système hospitalier français après la crise du coronavirus.
Oui, en sept semaines, ce qui relève à la fois du marathon et du sprint. Car tout est à repenser : salaires, temps de travail, méthodes de gestion, parcours de santé, tout. D’ailleurs, Emmanuel Macron l’a promis : après deux lois successives qui ont été toutes les deux très insuffisantes, il faut maintenant faire plus.
Et par conséquent, consacrer plus d’argent à l’hôpital.
Oui, c’est évidemment ce qui va se passer. Mais en réalité, le vrai sujet n’est pas là. On a beaucoup entendu, pendant cette crise du Covid-19, se lamenter sur le manque de moyens, le manque de personnel, le manque de qualifications. C’était sûrement vrai dans les services en première ligne, les urgences, les réanimations qui ont été soumis à rude épreuve. A crise sanitaire exceptionnelle, stress exceptionnel. Mais pour le reste, c’est faux.
C’est faux ? Vous voulez dire que l’hôpital a suffisamment de moyens ?
C’est peut-être choquant à entendre, mais oui. Simplement, l’argent ne va pas là où il devrait être. Il suffit, pour s’en persuader, de comparer avec d’autres pays. En proportion de sa richesse, la France est (juste après le Danemark), le pays qui consacre le plus d’argent à l’hôpital. Un tiers de plus qu’en Allemagne (et je n’ai pas besoin de vous rappeler comment notre voisin a traversé la crise). La France est le pays où le nombre d’emplois hospitaliers dans la population totale est la plus importante d’Europe : une personne sur 20.
Sauf que les emplois ne sont pas là où ils devraient être. Chez nos voisins, trois salariés sur quatre à l’hôpital sont des soignants. Chez nous, c’est seulement deux sur trois. L’hôpital croule sous les administratifs, sous les rigidités, sous les normes, sous les contraintes. Et on manque de soignants.
Et les salaires ?
Ce n'est pas compliqué : comme il y a plus de monde que dans des systèmes comparables, à l’étranger, les salaires sont plus faibles. Probablement de 250 à 300 euros par mois pour atteindre le salaire moyen d’un infirmier en Europe. C’est une folie, un contresens qui a été aggravé par les 35 heures. Cette réforme des socialistes a massacré l’hôpital, elle a rogné sur les rémunérations, elle a poussé de nombreux personnels hospitaliers à aller chercher de l’argent ailleurs, en petits boulots, en vacations, parfois avec la complicité bienveillante de certains hôpitaux qui ont contourné la règlementation pour verser un peu plus que ce que le statut, ce carcan, autorisait.
Et c’est tout cela qu’il faudrait donc revoir pendant le Ségur de la santé ?
Dans l’idéal, oui. Je sais bien que tous ces chiffres que je vous cite sont dérangeants, que toutes ces vérités étaient inaudibles au plus fort de la crise : trop d’émotion, trop de drames, trop de pression. Mais maintenant que ce stress redescend, si ce travail de titan n’aboutit qu’à faire une nouvelle rallonge de trois ou quatre milliards d’euros, sans autre ambition, ce sera un troisième coup pour rien de la part d’Emmanuel Macron. Et l’inefficacité, et la colère reviendront.