Violences contre les policiers : Emmanuel Macron face au piège de la sécurité

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Les faits divers impliquant de façon plus ou moins directe les policiers se multiplient ces dernières semaines. Directeur du journal "L'Opinion", Nicolas Beytout estime que cela créé un piège à deux mâchoires pour Emmanuel Macron face à sa rivale pour l'élection présidentielle de 2022, Marine Le Pen.

Meurtre d’un policier à Avignon, incidents à Fréjus, Villefranche-sur-Saône, Vaulx-en-Velin... Les atteintes à la sécurité et à l’ordre public se multiplient ces derniers jours.

"Oui, et c’est en train de devenir le problème politique numéro un d’Emmanuel Macron. Le Covid réduit chaque jour sa pression sur l’actualité, ce qui laisse émerger d’autres sujets que le seul déconfinement. Et le hasard de l’actualité est en train de fabriquer un piège très difficile à déjouer pour le chef de l’Etat. Première mâchoire du piège : l’enchaînement de faits divers dramatiques qui donnent le sentiment, sans que l'on sache vraiment s'il est vrai ou faux, d’une brusque montée de l’insécurité en France.

Deuxième mâchoire : la multiplication des mises en garde en provenance des policiers et surtout des militaires qui appellent le gouvernement au sursaut.

Vous faites allusion aux deux tribunes de militaires qui ont été publiées dans l’hebdomadaire "Valeurs actuelles" ?

Exactement. Pour le moment, le gouvernement traite ces pétitions par le mépris. Il a tort. Certes, les coups de gueule des policiers et de leurs syndicats ne sont pas une nouveauté ; ils ont même pris la mauvaise habitude de manifester. Mais ce qui se passe cette fois est très différent de ce qu’on a connu dans le passé. Lorsque les militaires signent (enfin signent... je devrais dire soutiennent) une pétition, ce n’est pas pour se plaindre de leur budget mais pour dénoncer une perte d’autorité du pouvoir.

Ce qu’ils exigent, ce n’est pas de l’argent mais une réaction politique. Et au milieu de ces deux mâchoires, il y a le gouvernement et le chef de l’Etat qui semblent bien incapables de réagir...

C’est un piège "très difficile à déjouer"...

Mais oui, justement parce que la réponse n’est pas budgétaire. L’Elysée et Matignon ont raison de souligner que les moyens de la police et de l’armée ont été augmentés, que les recrutements sont en hausse et que les policiers sont plus nombreux sur le terrain. Ces réponses techniques sont indispensables, mais elles ne règlent pas la question de fond : le rapport à l’autorité a changé, la violence est désormais désinhibée avec la complicité active des réseaux sociaux qui facilitent le phénomène et le rendent plus visible. D’où ce sentiment de perte d’autorité dans l’opinion publique. 

Comment le pouvoir peut-il lutter contre cette tendance ?

C’est un travail de très longue haleine, un sujet à la fois psychologique et totalement politique. Psychologique parce que beaucoup dépend de la posture du chef de l’Etat. Or, jusqu’à présent, sa crédibilité en la matière n’est pas son point fort. Et rien ne prouve encore qu’il soit aujourd’hui complètement acquis à cette nécessité d’un retour de l’autorité. Et puis politique parce que, naturellement, moins Emmanuel Macron parvient à rassurer l’opinion publique en la matière, plus son adversaire numéro un, Marine Le Pen, peut se frotter les mains."